La protection des brevets relative aux vaccins anti-covid pourrait être levée. C’est en tout cas le souhait du président des États-Unis, Joe Biden, suivi dans la foulée par… Macron ! Un changement qui pourrait bouleverser les projets des puissants laboratoires pharmaceutiques.
Mercredi dernier, on apprenait que le président des États-Unis était favorable à la levée temporaire des brevets e protection sur les vaccins contre le covid-19. Une annonce qui a provoqué un vrai séisme dans le jeu politique mondial. Depuis six mois l’éventuel levée de ces brevets de protection est au cœur d’intenses discussions, et pour cause ! Pour protéger leurs recherches, les entreprises privées comme publiques déposent des brevets pour interdire ou limiter l’utilisation de leurs travaux respectifs par des tiers.
Dans le cas des vaccins contre le « méchant » covid, les laboratoires ont protégé leurs secrets de fabrication pour éviter une reproduction illicite, mais aussi pour engranger quelques milliards de dollars, cela va de soi. Ainsi, une levée de cette protection reviendrait à diffuser très largement les secrets de fabrication des vaccins, ce qu’on appelle plus communément la propriété intellectuelle. Sur le papier cela permettrait de faciliter l’industrialisation des doses sur l’ensemble de la planète et donc une distribution plus rapide y compris dans certaines zones qui ne sont toujours pas alimentées en vaccins, notamment l’Inde, ce pays particulièrement touché par l’épidémie. Soixante pays avaient déjà proposé cette révolution. Le 2 octobre dernier, Pretoria et New Dehli avaient demandé cette levée des droits de propriété intellectuelle. Une requête refusée avant le basculement politique américain en faveur de l’administration Biden. Un changement de position immédiatement suivi par… Macron ! Au lendemain de l’annonce de son homologue américain, le pensionnaire de l’Élysée s’est dit favorable à la levée des brevets : un parfait retournement de veste. En effet le 23 avril dernier, il s’était dit opposé à la levée immédiate de la propriété intellectuelle expliquant que ce n’était pas le sujet mais plutôt celui du transfert de technologie. Ainsi, difficile de donner tort au camarade Mélenchon qui a immédiatement pointé du doigt le suivisme de Macron. En réalité, le chef de l’État a toujours voté en faveur du renforcement de la propriété intellectuelle pour une seule et bonne raison : il pensait défendre et favoriser le modèle français de Sanofi qui avait l’ambition de devenir un acteur mondial important en matière de vaccin contre le covid.
Si le pari est raté, la levée des brevets semble être la meilleure solution pour accélérer la vaccination à l’échelle mondiale. Mais disposer du brevet n’est qu’une étape ; le procédé de fabrication du vaccin, est lui bien plus complexe. Si les fabricants jouaient le jeu de « sauveur » de l’humanité en révélant tous leurs secrets de fabrication, la chaîne d’assemblage des vaccins, elle, est excessivement complexe et demande d’importants investissements. C’est particulièrement vrai pour les vaccins ARN messager ; peu de sites sont en capacité de les produire aujourd’hui. Par ailleurs, la levée de cette protection intellectuelle signifierait aussi la perte de toute forme de profit pour les grands laboratoires pharmaceutiques, ceux-là mêmes qui sont à l’origine de ces vaccins.
Alors que le cours en bourse s’est effondré après l’annonce de Biden, les industries Big Pharma ont avancé un argument qu’il faut prendre en compte : l’innovation pharmaceutique doit être rémunérée faute de quoi il n’y aura plus de recherche. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut permettre de faire tout et n’importe quoi afin d’engranger quelques milliards au détriment de la santé. C’est un dilemme à considérer. Après tout, dans quelle mesure peut-on violer la propriété intellectuelle si cela permet de défendre des politiques de santé publique ? Quoi qu’il en soit, (quoiqu’il en coûte ?) la question de la levée des brevets est sur la table des négociations, et cela promet d’intenses discussions, d’autant qu’Angela Merkel a déjà opposé une fin de non-recevoir à la proposition des Etats-Unis. De quoi mettre à mal les prochaines négociations au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ? Il suffirait d’une seule voix pour tout faire capoter.