Alors que plusieurs historiens espagnols remettent en cause l’origine italienne du navigateur, une équipe internationale espère obtenir grâce à la génétique des précisions sur ses racines géographiques.

Espagnol de pavillon mais Génois de naissance, le navigateur Christophe Colomb (1451-1506) qui a ouvert aux Européens la voie des Indes occidentales est remémoré chaque année aux États-Unis lors du Colombus Day, un jour consacré à la célébration de la culture italo-américaine et des liens qui unissent l’Ancien monde au Nouveau. Or, si la mémoire de l’explorateur et son jour férié éponyme sont réévalués depuis quelques années en Amérique, son lien profondément enraciné avec l’Italie pourrait se voir remis en question dans le courant de l’année. De l’autre côté de l’Atlantique, l’université de Grenade s’intéresse de près au patrimoine génétique du premier gouverneur des Indes. Il s’agit cependant moins de juger son héritage que de retrouver ses racines, puisque l’ADN de Christophe Colomb permettrait de lever le voile sur l’une des plus grandes incertitudes qui agitent les spécialistes de ce grand voyageur : ses origines.
Traditionnellement et historiquement, le marin est considéré comme un Génois, né dans la cité portuaire – ou dans sa région – en 1451 d’un couple de tisserands. L’origine italienne de Christophe Colomb fait pourtant l’objet de doutes croissants de la part de quelques historiens espagnols réunis la semaine dernière en colloque, à l’université de Grenade. Si les sources historiques, relèvent-ils, sont nombreuses à évoquer l’italianité du navigateur, ses origines précises ainsi que son enfance restent très incertaines. Aucun des différents textes et manuscrits qui nous sont parvenus de lui n’ont été rédigés dans la langue de Dante. Au lieu de cela, et en dehors du latin, l’explorateur écrivait en portugais, en valencien, en galicien et même en majorquin, ce qui n’a pas manqué d’interroger. La figure historique fétiche des italo-américains serait-elle en réalité d’origine ibérique ?
Résoudre une « contradiction » apparente
Pour tirer au clair ces «contradictions», l’université de Grenade a annoncé préparer une nouvelle étude sur les ossements de Christophe Colomb. Conservée dans la cathédrale de Séville avec les vestiges de son frère et de son fils, la dépouille de Christophe Colomb devrait faire dans les prochains mois les frais de nouvelles analyses génétiques, réalisées en partenariat avec plusieurs laboratoires étrangers, dont deux Italiens associés aux universités de Florence et de Rome. Ces recherches, dirigées par le professeur de médecine légale à l’université de Grenade José Antonio Lorente, s’inscrivent à la suite de premiers travaux réalisés en 2003 sur les ossements colombiens de la cathédrale de Séville, qui avaient abouti à leur authentification.
Afin de mener à bien cette enquête, la nouvelle étude consacrée à l’ADN de Christophe Colomb devrait reposer sur les développements importants de la génétique depuis ces dernières années. «Nous disposons maintenant de technologies de séquençage nouvelle génération, a déclaré José Antonio Lorente en conférence de presse. La technologie est beaucoup plus sensible, et désormais capable de nous livrer une plus grande quantité d’informations à partir de moins d’ADN». Avec ces échantillons, les équipes, réunies sous la direction du chercheur, devraient essayer d’identifier la région géographique dont serait originaire le navigateur. Et quand bien même ce domaine d’étude reste incertain malgré les progrès de la recherche, José Antonio Lorente espère retirer «autant d’informations que possible» des analyses à venir, afin de «mettre fin au débat» académique, si possible.
En dehors de quelques propositions exotiques qui évoquent la piste d’une origine croate ou polonaise, une des hypothèses les plus étoffées propose de voir en Colomb le descendant d’une famille de juifs sépharades génois convertis et installés à Valence. Une origine pour le moins embarrassante pour celui qui a été l’ambassadeur des catholiques dans le Nouveau Monde, et qui pourrait expliquer le flou artistique des archives. D’autres pistes proposent également de voir en Christophe Colomb le neveu caché du roi Ferdinand II, le bâtard de l’infante Éléonore de Viseu, ou encore … un corsaire portugais. Le résultat des recherches menées par l’université de Grenade est attendu pour octobre, lors de la diffusion d’un film documentaire consacré à cette enquête. D’ici là, les scientifiques devraient continuer de voguer en eaux troubles jusqu’à leur découverte des origines de Christophe Colomb. À moins qu’ils ne se perdent en chemin dans les abîmes incertains de la généalogie génétique.