Les dark stores, ces entrepôts qui servent à préparer les commandes express passées sur internet, sont en plein essor au cœur des grandes villes. Face aux nuisances et à la concurrence avec les magasins traditionnels, des voix s’élèvent pour réclamer une régulation.
C’est une petite rue à sens unique, dans le 17e arrondissement de Paris. Une dizaine de livreurs à vélo ou à scooter patientent, devant la porte étroite d’un immeuble. Il s’agit là d’un « dark store », autrement dit un « magasin fantôme ». Pas de devanture, ici on n’accueille pas de client mais on prépare les commandes passées en ligne avec la promesse d’être livré en moins de 15 minutes. Ces entrepôts, installés au cœur des grandes villes se multiplient: à Paris (qui en compterait 70), Lyon, Lille, Toulouse ou encore Bordeaux ainsi que dans de nombreuses capitales européennes.
Derrière ces dark stores, de grands groupes qui investissent des millions d’euros ou des start up qui espèrent capter un nouveau marché. Les plus connus sont Cajoo, Flink, Deliveroo, Gorillas. Le service n’est pas toujours rentable: seules les entreprises les plus performantes pourront s’installer durablement.
Mais ces nouveaux entrepôts suscitent aussi de vives critiques. En raison des livraisons et des va-et-vient des scooters, les riverains dénoncent des nuisances de 7 heures du matin à minuit passé. Pour respecter les délais (moins de 15 minutes), les livreurs roulent vite, prennent parfois les sens interdits. Et, en attendant les commandes, restent assis sur leur scooter, occupant des places de stationnement.
Les commerces « classiques » dénoncent de leur côté une concurrence et les municipalités s’inquiètent d’un cœur de ville sans devanture.
« La régulation est venue plus vite par le marché »
Ces dark stores profitent des failles des règlements de copropriété puisque ce cas spécifique n’est pas indiqué, les règlements étant souvent trop anciens. La mairie de Paris a tout de même lancé une douzaine de procédures pour des entrepôts qui n’ont pas fait l’objet de déclaration préalable de changement de destination, comme l’exige le code de l’urbanisme.
Mais les procédures sont longues et les collectivités locales demandent des pouvoirs supplémentaires pour aller plus vite. « Entre le moment où l’on découvre un phénomène, le moment où l’on vote une loi, puis les textes d’applications de la loi, généralement il s’est passé trois ou quatre ans. Et généralement, la régulation est venue plus vite par le marché que par les pouvoirs publics », déplore Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, en charge de l’urbanisme. Il rappelle les problèmes déjà rencontrés avec les trottinettes en libre-service ou les locations saisonnières de type AirBnB.
Faut-il surtaxer les livraisons express pour décarboner les transports de marchandises ?
Conscients des nuisances et de la colère qui monte, les opérateurs tentent de trouver des parades : pas de livraison avant 7 heures, des entrepôts installés dans des zones moins densément peuplées, bien que celles-ci restent très difficiles à trouver. Il est envisagé d’installer une salle de repos pour les livreurs pour leur éviter d’attendre dehors, ou encore de privilégier les livraisons à vélo pour les courses dans un rayon de 1 à 2 km. Le système est récent et doit trouver le bon mode de fonctionnement, insistent-ils.