Un bras de fer judiciaire est engagé entre cette salle indépendante fondée 1912 et la société propriétaire du bâtiment qu’elle occupe. Les habitués et les habitants du quartier se mobilisent pour la sauver.
Fondé en 1912, le Luminor Hôtel de Ville, dernier cinéma du IVe arrondissement de Paris, pourrait bientôt fermer ses portes. Dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux le 21 septembre, le cinéma annonce que la SOFRA, société immobilière qui détient les lieux, «souhaite expulser (le) cinéma».
Le Luminor affirme que cette entreprise multiplie depuis plusieurs mois les «assauts» pour expulser le cinéma de son bâtiment du Marais afin d’y implanter des bureaux. Contacté par nos soins, ce bailleur n’a pas répondu pour le moment à nos sollicitations. «Malgré toutes nos propositions de conciliation et le respect parfait de nos obligations en tant que locataire, les propriétaires ont mis leurs menaces à exécution devant les tribunaux», expliquent les responsables du cinéma. Arrivé à la fin de son bail, le Luminor se retrouve donc poussé à la porte bien qu’il ait toujours été en mesure de payer son loyer -«extrêmement cher», d’après François Yon, producteur et l’un des professionnels qui ont repris l’établissement en 2016. Et ce, même en période de crise sanitaire alors que les cinémas étaient en grande difficulté.
En colère, les gérants de l’établissement sont aussi dans l’incompréhension de voir un lieu culturel menacé de la sorte. «On a vraiment très envie de se défendre», assure François Yon.
Face à la décision de la SOFRA de porter l’affaire devant la justice, le Luminor a lancé mercredi 21 septembre une pétition pour protester contre la fermeture de «l’unique et dernier cinéma du Marais». En quelques heures, elle a récolté plus de 2000 signatures, signe de la popularité de l’établissement.
Devenu le Latina en 1984, puis le Nouveau Latina en 2008, le Luminor a su au fil des années se réinventer pour rester dynamique et proposer une programmation toujours plus variée. Rénové en 2016 et habillé d’une nouvelle façade et d’un hall doré, le cinéma est depuis 1912 un lieu emblématique du centre de Paris. Il est aussi un espace pédagogique important pour les écoles du voisinage puisque «les scolaires représentent une part conséquente de sa clientèle» explique François Yon qui raconte avoir reçu la visite de nombreux habitués du cinéma ce jeudi. Sur Twitter aussi, les cinéphiles et les habitants du quartier apportent leur soutien au Luminor.
Au-delà de l’émoi concernant cette salle, certains internautes partagent leur inquiétude pour les cinémas indépendants en général. «Il ne faut pas tergiverser : la disparition progressive de tous les cinémas indépendants parisiens est très inquiétante» peut-on lire par exemple. «Un jour on n’aura plus le choix qu’entre UGC ou Pathé», écrit un autre cinéphile sur Twitter.
«Ce que l’on souhaite, c’est que les gens se mobilisent, que les élus jouent leur rôle», poursuit François Yon. Outre la pétition, le Luminor encourage ceux qui veulent le soutenir à envoyer un mail à la SOFRA et ses dirigeants. Il peut même fournir un plaidoyer clé en main : «Je suis un spectateur/spectatrice du cinéma le Luminor Hôtel de Ville (et/ou habitant du quartier). Je souhaite vous signifier ma colère concernant votre intention de fermer ce cinéma pour le remplacer par un projet immobilier.» Des cartes postales sont également à disposition du public dans le hall du cinéma, à adresser à la mairie du IVe arrondissement. Enfin, le cinéma rappelle que le meilleur moyen pour le soutenir, c’est d’aller y voir un film. «Ce cinéma vous appartient et vous êtes en droit de le défendre», conclut le gérant de cette salle.