Une interprète tente de sauver sa famille, un Américain débarque à Marseille, une fille aide son père à mourir. Découvrez la sélection de Quotidien Libre.
La Voix d’Aïda , un drame historique de Jasmila Žbanić (1h44) – C’est une question d’heures. En juillet 1995, l’armée serbe va envahir la ville de Srebrenica. Les réfugiés se pressent dans un camp de l’ONU. L’endroit est déjà bondé. Une foule immense s’agglutine devant les grilles. Aïda, qui est professeur d’anglais, a été engagée par les Casques bleus pour servir d’interprète. Ça n’est pas une tâche de tout repos. Au milieu du chaos, cette citoyenne bosniaque tâche de garder son calme. Tout le monde a besoin d’elle. Tout le monde a quelque chose à demander. Sa situation n’est pas simple. Elle se complique encore du fait que son mari directeur d’école et ses enfants sont là aussi. Elle s’agite pour que leurs noms figurent sur la liste de ceux qui ne grimperont pas dans les autocars stationnés à l’extérieur. Au loin, les chars grondent, roulent dans les rues désertes. La panique monte dans cet ancien gymnase privé d’eau courante. Les toilettes, on n’en parle même pas. Armé de son mégaphone, un gradé hollandais tente d’apaiser les habitants affolés. Le discours s’effectue par fragments. Le soldat s’arrête. Aïda traduit chaque phrase. Elle court partout, avec son badge autour du cou, sa chemise ouverte sur son tee-shirt. La caméra, fébrile, suit tous ses mouvements. Elle ouvre les portes des bureaux, s’agenouille pour réclamer une signature. Elle sait que le pire est là. Les Serbes approchent.
Stillwater , un thriller de Tom MacCarthy (2h20) – Peuchère. Comment dit-on ça en anglais ? Matt Damon ne se pose pas la question. Cet Américain débarquant à Marseille n’essaie même pas de prendre l’accent méridional. Il est venu pour soutenir sa fille qui est en prison depuis cinq ans, accusée d’avoir assassiné sa petite amie. Aux Baumettes, elle crie son innocence. Bill ne lui est pas d’une aide infinie. Il ne parle pas un mot de français, connaît à peine Allison dont il ne s’est pas assez occupé, plongé qu’il était dans ses problèmes d’alcool. Ce veuf était foreur de pétrole en Oklahoma. C’est peu dire qu’il ne roule pas sur l’or. Ce voyage s’est imposé, soudain. Toutes ses économies y sont passées. Le Vieux-Port lui semble une contrée étrange, indéchiffrable. Il faudrait qu’il retrouve un certain Akim qui était là le soir du meurtre. Ce redneck s’installe d’abord à l’hôtel avant d’emménager chez Camille Cottin (irréprochable en théâtreuse de la Canebière) qui a une gamine de 8 ans et l’assiste pour la traduction.
Tout s’est bien passé, une comédie dramatique de François Ozon (1h52) – Sophie Marceau est saisie dans l’encoignure d’une porte, assise à son bureau, devant son ordinateur. On la sent concentrée. Dès que son portable sonne, tout s’accélère : « Vous êtes où ? J’arrive… » La vie bascule parfois sur un simple appel. Dans la précipitation, elle descend les escaliers, mais les marches sont floues. Elle file aux urgences où son père André Bernheim vient de faire un AVC. En quelques plans précis, maîtrisés, François Ozon capte son public. Loin de certains de ses précédents films (Huit femmes, Swimming pool, Ricky…) où une esthétique kitsch se parait volontiers d’une mise en scène hitchcockienne, le réalisateur s’astreint ici à servir le livre d’Emmanuèle Bernheim. Sans affèterie. Ozon s’attache aux détails. Le réalisateur d’Un été 85 s’appuie sur la sobriété des dialogues. Il met en scène avec simplicité une chronique, celle de la mort programmée d’André Bernheim.