Une grandiose opération de diversion adoubée par Churchill, une enquête semée d’embûches, un film noir sur le destin d’un soldat… Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection cinéma.
La Ruse, film de guerre de John Madden (2 h 07) – Pour une fois, on comprend que les distributeurs n’aient pas traduit mot à mot le titre original, Operation Mincemeat. Cela aurait donné quelque chose comme «Opération chair à pâté », ce qui aurait évoqué une comédie solidement graisseuse. La Ruse sonne mieux et a le mérite de ne pas mentir sur la marchandise. Ça, le secret était bien gardé. La Sicile ou la Grèce ?
Il ne s’agissait pas là de choisir sa future destination de vacances, mais de faire croire aux Allemands, en 1943, que le débarquement allié aurait lieu aux alentours d’Athènes et non du côté d’Agrigente. Les services anglais s’y emploient. Cela réclame des tonnes de duplicité, une attention extrême aux moindres détails. L’impassible Colin Firth est à la manœuvre, verrouillé dans ses sentiments. Aucune mauvaise surprise n’est à négliger. La prudence pousse à glisser un cil dans une enveloppe, à convaincre des supérieurs réticents. Heureusement, Churchill, pas fou, donne son feu vert. Ces héros méconnus confondent par leur modestie et leur courage. Ils parviennent à sauver le monde. Ils sont incapables de réussir leur vie. Tous cachent une fêlure, comme ce frère plus ou moins communiste qu’on soupçonne de fournir des renseignements aux Russes. Ultime clin d’œil : cet aide zélé qui tape à la machine, au fond du bureau. Il s’appelle Ian Fleming. Bloody Hell ! À notre humble avis, on entendra à nouveau parler de lui.
L’Affaire Collini, drame de Marco Kreuzpaintner (2h03) – Film de prétoire qui rappelle par bien des aspects le Music Box de Costa Gavras (sorti en 1989 avec Jessica Lange), cet habile polar procédural signé par le réalisateur allemand Marco Kreuzpaintner (Trade – Les trafiquants de l’ombre, en 2007) plonge son intrigue dans une enquête passionnante, et fait ressurgir les fantômes du passé. Le jeune héros, par dévoilements successifs va en apprendre plus sur l’étrange meurtrier qu’il est contraint de défendre.
Certes, les coups de théâtre, rebondissements et surprises en tous genres sont parfois un peu forcés. Il n’empêche, la mécanique de l’enquête qui remonte à un crime de guerre impuni, commis en 1944 à Montecatini, suffit à bander puissamment l’arc narratif de cette quête de vérité semée d’embûches et de chausse-trappes.
Sentinelle sud, drame de Mathieu Gérault (1h36) – Sentinelle sud imagine le retour au bercail du soldat Christian Lafayette (Niels Schneider) après une mission en Afghanistan en 1998. Une opération clandestine a décimé son unité. Quelque part en France, dans une ville indéterminée mais peu riante, Lafayette, enfant de l’assistance, retrouve un quotidien morne et solitaire. Il pisse au lit. Travaille comme manutentionnaire au supermarché du coin. Ses deux frères d’armes, eux aussi rescapés de l’embuscade, ne sont guère plus vaillants. Mounir (Sofian Khammes) traîne son amertume et une jambe en vrac. Sans son uniforme, il redevient un arabe au pied des tours. Henri (Thomas Daloz), lui, végète à l’hôpital en fauteuil roulant. Sa santé mentale laisse à désirer. Il peint des chiens. Pour invisible qu’elle soit, la guerre s’insinue partout dans l’existence de ces hommes brisés.
Film noir, chronique sociale, et même film d’amour, Sentinelle sud croise les genres, sans excès de zèle ni baisse de tension. La guerre va bien à Niels Schneider. L’acteur trouve son meilleur rôle depuis Sympathie pour le diable où il interprétait Paul Marchand, reporter en quête d’adrénaline dans Sarajevo assiégée. Lafayette, le voilà.