Le classement du journal The Economist fait reculer la France dans les classifications démocratiques. Nous sommes pour le magazine hebdomadaire une démocratie défaillante. [Décryptage]
Dictature sanitaire par-ci, loi sécurité globale et état d’urgence par-là… La démocratie française a la gueule de bois. Le journal britannique The Economist, qui compte parmi les plus influents au monde, a donné son classement annuel de la démocratie et les chiffres sont mauvais partout et tout particulièrement pour la France. Si le classement doit être mis dans son contexte, celui d’un journal libéral ayant une vision très anglo-saxonne de la démocratie, il n’en demeure pas moins un bon indicateur de la régression des libertés avec la crise sanitaire dans le monde en général et en France, en particulier. Le centre de recherche de la revue fait ainsi passer Paris de la classification démocratie à part entière à… démocratie défaillante.
Un changement d’appellation qui s’est joué à quelques points. Les critères retenus pour l’étude des États sont établis à travers cinq catégories : le processus électoral, le pluralisme, les libertés civiques, le fonctionnement du gouvernement, et la culture avec la participation politique. Parmi ces critères, ceux des libertés civiques et du fonctionnement du gouvernement semblent être les principaux points d’achoppement pour la France. Les restrictions à la libre circulation avec les multiples couvre-feux et autres confinements, mais aussi le raidissement sécuritaire de l’État apparaissent aujourd’hui comme des lacunes flagrantes pour la France. Et parmi les voix qui dénoncent ces dérives, c’est un professeur de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, André Grimaldi, qui a tiré la sonnette d’alarme récemment, évoquant un président qui, je cite « décide tout pour nous ainsi qu’un manque de débat sur les mesures prises ».
Le fondateur du collectif inter-hôpitaux plaide pour une discussion sur la place publique avant la prise de décisions restrictives de liberté. Un discours bienvenu et rafraîchissant alors que la pluralité des opinions fait clairement défaut en France depuis le début de la crise sanitaire, puisque toutes les grandes formations politiques se sont pliées aux injonctions sécuritaires restreignant les libertés.
Volontiers donneuse de leçon à la terre entière, la République française pourrait désormais, à l’instar d’autres pays occidentaux, s’occuper de ses affaires. Les États-Unis, l’Italie ou encore la Belgique ont aussi intégré le classement des démocraties défaillantes. Si les mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire sont évidemment centrales dans la chute de Paris au classement, les lacunes françaises et de nombreux états occidentaux s’inscrivent dans un temps plus long. En effet, la France s’est déjà retrouvée dans cette catégorie ces dernières années. Les limitations de la liberté d’expression au nom de la lutte contre le terrorisme, ou même plus étonnant de la lutte contre la haine, participe de cette tendance ; une tendance accrue par les GAFA, des géants du numérique qui créent petit à petit une morale privée plus ou moins en collaboration avec les états occidentaux. Le projet de loi sécurité globale en France et les graves atteintes de la part des états et des entreprises ont explosé avec la révolution numérique et semble aussi participer au recul de la démocratie. Aujourd’hui ce baromètre ne donne plus que 8,4 % de la population mondiale comme vivant dans une démocratie à part entière. Avec la crise sanitaire, de nombreux états à l’instar de l’État français se sont raidis et la loi sécurité globale en est une illustration. Ce qui est à craindre est désormais En Marche ! Ce qui a souvent été présenté comme du temporaire deviendrait-il permanent ?