Pour diverses raisons (quête de performance, usage festif qui déborde sur le travail, stress ou ennui), de plus en plus de français consomment de la drogue, y compris sur le lieu de travail.

J’ai consommé de la cocaïne au travail et j’ai tout perdu », confie Maude, responsable de communication dans un grand groupe ; avoir une « consommation contrôlée » est possible, assure Aymeric, salarié d’une entreprise française de luxe, toxicomane. Les substances psychoactives ont franchi les portes des entreprises, un phénomène largement tabou et toujours difficile à quantifier.
En France, les débats autour de la consommation de drogue gravitent bien souvent autour du cannabis et de sa législation discutable. Pour autant, les spécialistes alertent sur la popularité croissante de la cocaïne. Si l’on en croit des chiffres relayés au cours des derniers mois en ligne, on compterait en France pas moins de 600 000 consommateurs en 2022.
Challenges avait relayé en juillet 2022 une infographie qui a suscité de nombreux commentaires, évoquant les usages de la poudre blanche sans pour autant que l’origine des chiffres avancés ne soient précisés. S’il faut toujours se méfier des estimations relatives aux substances et actes interdits, on retrouve des données similaires dans les rapports des principales institutions spécialisées dans ces questions.
600.000 personnes consomment de la cocaïne en France. pic.twitter.com/OpthGqbNYw
— Challenges (@Challenges) July 8, 2022
Pour le moment, le ministère de l’Interieur n’est pas le mieux placé pour évaluer le nombre de consommateurs en France. Pour obtenir des estimations, il faut se tourner vers l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dont les travaux font référence. Sur le site dédié, l’organisme consacre une page spécifique à la cocaïne et observe que « sous sa forme chlorhydrate », il s’agit du « produit illicite le plus consommé en France après le cannabis ». La part des 18-64 ans « ayant expérimenté la cocaïne a été multipliée par quatre en deux décennies », apprend-on, passant au sein de la population de « 1,2 % en 1995 à 5,6% en 2017 ».
Qu’en est-il des consommateurs plus réguliers ? « L’usage actuel comme l’expérimentation concernent toujours deux à trois fois plus les hommes que les femmes », note l’observatoire. Impossible toutefois de disposer de données plus précises, relatives notamment aux consommateurs mensuels, hebdomadaires ou quotidiens. Si l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies recueille des éléments ciblés sur certains de nos voisins, nous ne pouvons pas compter sur un tel niveau de détail en France. Toutefois, certains estiment l’absorption de cocaïne allant de 4 à 6 grammes par jour. L’animateur Jean-Luc Delarue est mort des suites d’un cancer de l’estomac et du péritoine liées à sa consommation maladive.
Qui sont les consommateurs ? « Tout le monde ! »
Amine Benyamina, chef du service psychiatrie-addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne) au sein duquel Pierre Palmade a été pris en charge sous bracelet électronique, a tranché sur la question. Interrogé par Le Parisien, il note que « dans les années 1980, cette drogue était réservée à une élite », mais que désormais « il n’y a plus de déterminisme social. C’est un étudiant en école de commerce, un employé du secteur du luxe, des journalistes et des communicants, beaucoup, le monde des artistes et des soignants, aussi. Des gamins en consomment de temps en temps et la cocaïne circule même dans des lycées. En consultation, les plus jeunes patients ont 16 à 17 ans », alerte-t-il.
L’OFDT rappelle que « la consommation de cocaïne et de crack, qu’elle soit ponctuelle ou chronique, peut avoir un impact sur la santé physique et psychique des usagers. Ces conséquences peuvent survenir quels que soient le mode d’administration, la quantité et la fréquence de l’usage ». La mortalité liée à cette drogue se révèle quant à elle « en nette hausse », puisque « l’implication de la cocaïne, au moins en partie, dans les décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances a augmenté au cours des dernières années, passant de 9% à 22 % des décès entre 2013 et 2019 ».
L’enjeu est majeur en France pour les employeurs, qui ont une obligation de sécurité vis-à-vis de leurs salariés. Près de 15% à 20% des accidents professionnels, absentéisme et conflits au travail seraient liés aux psychotropes. En droit du travail, « le mot ‘drogue’ n’est prononcé qu’une fois dans le code pour dire que le médecin (du travail) a un rôle à jouer » dans la prévention. En matière de dépistage, seuls les postes à risque peuvent être concernés, sous réserve de figurer au règlement intérieur.