Vêtu d’une volumineuse chasuble de soie brun doré réservée au seul souverain, l’empereur du Japon se livre mardi aux ultimes cérémonies de son abdication, la première du trône du Chrysanthème en deux siècles.

L’empereur Akihito (d) et son fils, le prince héritier Naruhito (g), le 2 janvier 2019 au palais impérial de Tokyo I AFP/Archives / Kazuhiro NOGI
Coiffé d’un couvre-chef noir surmonté d’une très haute crête, Akihito a annoncé dans la matinée à ses ancêtres et aux dieux son renoncement, dans plusieurs sanctuaires du Palais impérial. Mais la cérémonie majeure, de dix minutes seulement, aura lieu à 17 heures locales (08h00 GMT) dans la plus belle salle du Palais, Matsu no Ma (la salle de pin). Akihito mettra un terme à plus de 30 ans passés comme symbole de l’Etat et de l’unité du peuple, son fils aîné Naruhito lui succèdera officiellement mercredi. Ces deux rituels ultra-protocolaires et très brefs sont fermés au public et diffusés sur la chaîne publique NHK avec une solennité rare. Devant le Palais impérial, de petits rassemblements ont commencé à se former dès mardi matin, malgré la pluie.
Je voudrais remercier l’empereur pour son dur labeur, confiait Hironari Uemara, 76 ans, venu à Tokyo pour l’occasion depuis Okayama (ouest). L’empereur Akihito, l’impératrice Michiko manqueront à son épouse:
J’ai envie de pleurer, dit-elle.
La population nippone vit ainsi des festivités historiques et quasi inédites puisque, cette fois, la nation n’est pas endeuillée comme c’était le cas en 1989 (mort de Hirohito aussi appelé empereur Showa), 1926 (mort de l’empereur Taisho) ou 1912 (mort de l’empereur Meiji). Le prince héritier ne succédera à son père qu’à partir du 1er mai à 00H00 (mardi 15h00 GMT), c’est-à-dire l’an 1 de la nouvelle ère impériale Reiwa (belle harmonie), après trois décennies d’ère Heisei (parachèvement de la paix). Des mesures spéciales de sécurité ont été mises en place d’autant que, la semaine dernière, le petit-fils de l’empereur, le prince Hisahito, a été l’objet d’un acte considéré comme une menace: deux couteaux ont été trouvés sur sa table de classe dans son collège. Des comptes à rebours sont prévus dans des lieux aussi divers que des boîtes de nuit, parvis de gares, observatoires ou sanctuaires shinto, quasi religion qui régit en partie les rites impériaux. Toutefois, l’ensemble des événements relatifs à ce changement s’étale sur des mois, avec un autre point culminant à l’automne quand seront accueillis des chefs d’Etat et nombreuses personnalités. Alors que les successions impériales se faisaient depuis 200 ans lors du décès du souverain en exercice au profit de son héritier, le passage d’Ahihito à Naruhito découle d’une loi d’exception écrite sur mesure. L’empereur avait subtilement exprimé en août 2016 son souhait d’être déchargé de sa tâche, qu’il ne pourrait plus exercer corps et âme en raison de son âge (85 ans aujourd’hui) et d’une santé sur le déclin.