Les tables de Guy Savoy et du Rochelais Christopher Coutanceau, ont été rétrogradés de trois à deux étoiles, a annoncé le guide Michelin lundi 27 février. Malaisant, voire pénible de la part d’un Guide gastronomique qui perd, lui, d’année en année sa crédibilité.

Le coup de poignard dans le dos est presque devenu une habitude au guide Michelin. Le « pavé » saignant a retiré lundi leur troisième étoile aux tables de Guy Savoy, et du Rochelais Christopher Coutanceau.
Ce sont des restaurants exceptionnels, donc vous vous doutez bien que ce sont des décisions qui sont mûrement réfléchies, étayées par de nombreuses visites de nos inspectrices et inspecteurs tout au long de l’année
s’est dédouané Gwendal Poullennec, le patron du guide.
Sont concernés le Restaurant Guy Savoy, à la Monnaie de Paris, sur les quais de Seine, et celui de Christopher Coutanceau à La Rochelle.
Cette décision du Michelin de rétrograder des tables a été annoncée pile une semaine avant la publication de son nouvel « annuaire » et une cérémonie à Strasbourg pour accueillir de nouveaux étoilés. Trois restaurants perdent en outre leur deuxième étoile : la table de l’Alpaga à Megève, Jean-Luc Tartarin au Havre et le Restaurant Michel Sarran à Toulouse. Du côté des premières étoiles, le bilan est plus lourd, avec 20 tables rétrogradées.
L’impact d’une telle annonce sur les plans émotionnel et économique est avéré. Vingt ans après le suicide du chef Bernard Loiseau, le patron du Michelin a rencontré lundi Christopher Coutanceau et s’est entretenu au téléphone avec Guy Savoy. Le choc est particulièrement rude pour ce dernier, chef à la réputation internationale, bon pied bon oeil, détenteur de trois étoiles au Michelin depuis 2002. En novembre dernier, il avait été élu meilleur chef au monde pour la 6e fois consécutive, selon le classement La Liste.
Jusqu’à présent, je n’avais connu que de meilleurs moments dans ma carrière. Ce soir, je pense aux équipes et je vais leur parler dès demain. On a perdu le match cette année mais on va le regagner l’année prochaine
a déclaré Guy Savoy dans la foulée de l’annonce de sa rétrogradation.
Pour Christopher Coutanceau, la pilule est aussi amère, on peut le comprendre. Le chef avait obtenu son 3e macaron juste avant le premier confinement. Peu après, il avait dû fermer le restaurant ouvert par son père dans les années 1980 et s’adapter en proposant des plats à emporter. Alice Coutanceau, femme et attachée de presse du grand cuisinier, a indiqué ne vouloir faire « aucun commentaire sur la décision du Michelin » aux journalistes.
Le Guide Michelin, ce « cadeau » empoisonné
L’impact psychologique de la valse des étoiles, année après année, est indéniable sur le moral des chefs. Joël Robuchon, Alain Senderens ou encore Antoine Westermann, tous ont renoncé à leurs étoiles. Le chef Robuchon a rendu ses trois étoiles en 1996 avant de faire son retour en 2003 :
Je ressens beaucoup moins de pression avec vingt-cinq étoiles aujourd’hui qu’avec trois il y a quinze ans, expliquait-il à L’Express en 2009. Quand j’étais à la tête de mon restaurant de l’avenue Raymond-Poincaré, je courais sans cesse après la perfection, je ne manquais jamais un coup de feu, je guettais les critiques gastronomiques… (…) Il fallait que j’arrête cette vie harassante, je craignais de finir comme les copains du métier Alain Chapel, Jean Troisgros, Jacques Pic, morts prématurément à force d’avoir trop tiré sur la corde.
Si la gastronomie est aujourd’hui trop tributaire des guides, des critiques, des classements et des listes, Bruno Verjus, chef de table à Paris regrette de telles sanctions. :
La cuisine bien vivante est prise en otage par tous ces systèmes de notation
déplore-t-il.
La réalité de la cuisine est beaucoup plus intéressante que la version retranscrite par les guides et les classements.
Après 55 ans au sommet, et alors qu’il s’était lancé dans une importante entreprise de réinvention, le restaurant historique de Paul Bocuse, à Collonges-au-Mont-d’Or, avait alors perdu cette haute distinction. Il y a dix ans de cela, obtenir un étoile Michelin était un véritable honneur. Dans le contexte économique actuel, il est devenu un veritable poison.