Expert du monde russe et ukrainien, le journaliste et écrivain français, spécialiste de l’Ukraine, de la Russie, de l’URSS et du monde post-soviétique, Pierre Lorrain, évoque pour l’hypothèse d’une responsabilité américaine dans les fuites sur les gazoducs Nord Stream, ainsi que les enquêtes souhaitées par les Occidentaux et les Russes.
Pierre Lorrain, écrivain et spécialiste de la Russie, a souhaité répondre au sujet des fuites ayant touché les gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans la mer Baltique, reliant la Russie à l’Allemagne.
A la demande de Moscou, une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU a abordé le 30 septembre la question de ces fuites, tandis que le président russe Vladimir Poutine a accusé les «Anglo-saxons» d’avoir commis un acte de sabotage.
En tout état de cause, ces fuites permettraient aux Etats-Unis, selon Pierre Lorrain, de «remplacer l’approvisionnement» en gaz de l’Europe. Mais cela ne pourra se faire tout de suite, car «pour recevoir du gaz américain, du gaz naturel liquéfié, il faut des usines pour rendre sa nature gazeuse à ce liquide». Or, «il y en a pas beaucoup en Europe», affirme-t-il.
Pierre Lorrain considère également que les enquêtes sur les gazoducs Nord Stream comporteront plusieurs limites, notamment le fait que les Russes ne pourront probablement pas se rendre dans les eaux où se situent les fuites. «On devra dépendre de l’enquête européenne pour connaître la vérité», souligne Pierre Lorrain, alors que l’Allemagne a annoncé la formation d’une équipe commune avec le Danemark et la Suède pour enquêter à ce sujet. Les autorités américaines et russes ont, elles aussi, prévu des enquêtes.
Quelles sont les hypothèses explorées ?
Selon l’Institut sismique suédois, deux explosions sous-marines ont été enregistrées avant l’incident, « très probablement dues à des détonations », ce qui alimente fortement l’hypothèse d’un sabotage. D’ailleurs, mercredi en fin d’après-midi, le renseignement suédois a été saisi d’une enquête pour « sabotage aggravé ».
Peu avant, la Première ministre danoise Mette Frederiksen a affirmé que « l’avis clair des autorités est qu’il s’agit d’actes délibérés : on ne parle pas d’un accident ». La Suède a également évoqué un probable « sabotage ».
Si le « sabotage » des gazoducs s’avérerait être une opération complexe, elle serait à la portée de toute armée compétente. Un haut responsable français a évoqué l’option de nageurs de combat envoyés pour poser des charges, soit celle de la mine mobile ou du drone sous-marin. En revanche, l’hypothèse de la torpille, utile plutôt pour une cible en mouvement, est selon lui moins plausible.
Evidemment à Kiev, on joue la carte victimaire. Le conseiller de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak a dénoncé « une attaque terroriste planifiée » par Moscou, sans avancer de preuves. Le Premier ministre polonais a lui aussi suggéré une implication russe, sans viser directement Moscou. « Nous voyons clairement que c’est un acte de sabotage, qui marque probablement la prochaine étape de l’escalade de la situation en Ukraine », a-t-il déclaré. Dans un tweet publié mardi 27 septembre (supprimé depuis, Ndlr) Radoslaw Sikorski, ancien ministre polonais des affaires étrangères et de la défense et député européen, a remercié les Etats-Unis en publiant une photo d’une des fuites. Avant d’ajouter, sans apporter aucun élément à ses allégations : «La seule logique de Nord Stream était que Poutine puisse faire chanter ou faire la guerre à l’Europe en toute impunité.»