Eike Schmidt, le conservateur de l’établissement italien, estime qu’en rendant les trésors conservés dans les musées à leur lieu d’origine, les visiteurs pourront mieux appréhender le contexte de leur création.

La Madone Rucellai, de Duccio (1285), a été retirée en 1948 de l’église florentine Santa Maria Novella. Elle est désormais l’une des pièces maîtresses de la Galerie des Offices I © Galerie des Offices / photo à usage médiatique, attribution requise
Restituer aux églises les œuvres d’art qui leur appartiennent. C’est l’idée inattendue défendue depuis le 27 mai par Eike Schmidt, conservateur de la Galerie des Offices de Florence. D’après lui, de nombreuses œuvres religieuses aujourd’hui conservées par des musées italiens devraient retourner dans leur lieu d’origine, comme le rapporte The Art Newspaper. Ce projet ne sort toutefois pas de nulle part. Depuis la crise du Covid, la galerie florentine réfléchit à une manière de déplacer une partie de sa collection, avec comme objectif d’étendre ainsi le musée au-delà de ses locaux. Et rendre aux églises les œuvres religieuses dont elles proviennent fait partie de ce nouveau programme d’extension. Exposer une production artistique dans un musée a ses avantages, reconnaît lui-même Eike Schmidt. Retirée il y a soixante-douze ans de l’église Santa Maria Novella, La Madone Rucellai, peinte par Duccio vers 1285, fait désormais partie de la collection de la Galerie des Offices. Elle trône actuellement aux côtés de deux retables des maîtres italiens du début du Moyen-Âge, Cimabue et Giotto. Une position qui ne doit rien au hasard puisqu’elle permet aux visiteurs de comparer les œuvres. Mais pour le directeur, la restitution du tableau à son église d’origine permettrait de la replacer dans le contexte de sa création et de lui rendre toute sa signification.
L’art sacré n’est pas conçu dans un but artistique mais religieux, et dans un cadre qui l’est tout autant,
a-t-il fait remarquer à The Art Newspaper.
En retournant une œuvre à l’édifice pour laquelle elle a été créée, le visiteur pourra mieux l’appréhender et la comprendre.
D’après le directeur de l’institution, près d’un millier d’œuvres religieuses appartiennent aux Soprintendenze, des organismes publics responsables de l’art, de l’architecture et de l’archéologie en Italie. La plupart ont été apportées dans des musées après la Seconde Guerre mondiale afin de les préserver. Mais il n’existe aucun catalogue spécifique permettant de les répertorier, et y accéder est compliqué, même pour les universitaires.
Un projet « irréaliste » ?
D’un point de vue légal, le transfert des œuvres ne devrait pas poser trop de problèmes. En Italie, une institution dépendant du ministère de l’Intérieur, le Fond des édifices religieux (FEC), possède et gère l’entretien d’environ 900 églises catholiques et bâtiments religieux. Comme la plupart des églises concernées par la restitution appartiennent au FEC, les productions religieuses auraient simplement à passer d’un organisme public à un autre. Par ailleurs, les techniques modernes devraient permettre de garantir la conservation des œuvres en question. La proposition d’Eike Schmidt a reçu un accueil plutôt mitigé du côté des institutions religieuses. Le directeur du musée diocésain d’art sacré de Florence, Monseigneur Timothy Verdon a salué une idée positive mais irréaliste, auprès de l’agence de presse Ansa. L’archevêque de Florence, le cardinal Giuseppe Betori a quant à lui admis que le projet méritait d’être pris en compte et félicité mais que chaque cas de restitution aura à être examiné selon ses propres qualités.