Si l’actuelle majorité réussit dans un domaine, c’est dans sa reconversion professionnelle. Alors que les Français perdent petit à petit leurs emplois, Brune Poirson et Benjamin Griveaux, eux, en retrouvent sans vraiment de difficultés. [Décryptage]
Benjamin Griveaux n’honorera plus la politique française de sa présence, en tout cas pour le moment. Le très controversé ex-candidat à la mairie de Paris l’a annoncé sur les réseaux sociaux le 12 mai dernier : un nouveau chapitre s’ouvre. Transfuge du Parti Socialiste (PS), ancien secrétaire d’État d’Édouard Philippe, candidat éphémère de la République en Marche (LREM) aux élections municipales à Paris avant d’exploser en plein vol à la faveur de la fuite d’une photo de sa b*** envoyée à une femme qui n’était pas la sienne, le tout dans un vaudeville impliquant notamment un dissident russe un peu fou… Oui, Griveaux s’en va. Une Grivoiserie qui ne l’aura pas empêché de rester député jusqu’à la semaine dernière. Non assidu dans son rôle de parlementaire il ne manquera à personne au Palais-Bourbon. Après s’être copieusement paluché aux yeux de tous, il lance un cabinet de conseil en stratégie pour les chefs d’entreprise. Gageons qu’il ne les conseillera pas sur leur communication.
Sa défection suit de quelques semaines une autre marcheuse, le 5 avril, Brune Poirson. Un Poirson d’avril ? Ancienne secrétaire d’État et ancienne députée également, elle avait tenté de donner une note écologique aux équipes macronistes, mais en vain. Comme le camarade Griveaux, elle ne manquera pas non plus à ses collègues qu’elle méprisait copieusement les jours où elle les gratifiait de sa présence. Elle rejoint désormais le groupe hôtelier Accor pour en devenir Directrice du développement durable, entreprise où elle retrouvera un autre ancien de la politique, Nicolas Sarkozy, qui préside le comité de la stratégie internationale.
Deux « anges » macronistes partis trop tôt, qui s’ajoutent à une liste plus longue. Cet inventaire compte des anciens membres proches de Macron qui, comme Griveaux, faisaient partie de la bande de la rue de La Planche (Paris VIIe) ; une équipée de jeunes loups et louves, anciennement proches de Dominique Strauss-Kahn (DSK) et recyclés auprès de Macron. Ainsi, Sibeth N’Diaye, ancienne porte-parole du gouvernement, ex-PS, a rejoint le groupe Adecco en janvier 2021, une entreprise spécialisée dans l’Interim. Une situation drolatique s’il en est. Après être passée par une équipe politique qui se montre incapable de lutter contre le chômage, c’est fort de café. Chez Adecco, elle est assise au poste de secrétaire générale France chargée des affaires publiques, juridiques et de la communication des solutions d’emplois. Elle aurait cependant gardé des liens forts avec l’appareil politique d’En Marche !
Également issu de la bande à Macron, Ismaël Emelien, proche de DSK depuis 2006, passé par la Fondation Jean Jaurès et conseiller spécial de Macron jusqu’en 2019. Il aurait été démissionnaire du fait de son implication dans l’affaire… Benalla. Il a créé depuis une société de conseil qui avise des groupes tels que Veolia. Il a par ailleurs été embauché par LVMH et a créé une société d’investissement. Enfin Sylvain Faure, membre du cabinet présidentiel chargé des discours et de la mémoire, puis à la tête de la cellule communication de l’Élysée, avait fini par quitter le giron présidentiel en janvier 2019 pour rejoindre les rangs de Pinault et superviser ainsi la collection artistique du milliardaire.
Tous ces anciens de La République en Marche rejoignent donc de grands groupes privés, ce qui laisse penser aux plus suspicieux d’entre nous qu’il pourrait y avoir un bien vilain mélange des genres. Ces grands groupes sont en contact permanent avec les sphères du pouvoir, ce qui est normal pour des raisons économiques et d’emplois. Mais laisser des proches de la présidence intégrer les organigrammes de grosses structures ou édifier des entreprises pour les conseiller peut apparaître comme très risqué sur le terrain du conflit d’intérêt. En matière de compétences, on a du mal à savoir ce que ces personnes – incapables de gouverner correctement le pays – peuvent apporter à une entreprise privée si ce n’est leur carnet d’adresses. Si des précédents ont évidemment existé avec les cas Fillon ou Sarkozy notamment, les proches de Macron peuvent, eux, possiblement s’appuyer sur les générosités malsaines de Jupiter. C’est là toute la différence.
