Lors de ses vœux annuels à la presse française, le chef de l’Etat a présenté les conclusions du rapport Bronner et a donné sa vision singulière de l’information. Des propos presque menaçants.
Les vœux à la presse, surtout en période électorale, ont toujours un goût particulier en macronie. Et dans le cas présent, il s’agit pour le candidat sortant, Emmanuel Macron, de ne pas se mettre à dos une profession souvent faiseuse de roi. En la matière le président n’a pas dérogé à la règle multipliant ainsi les flatteries à l’égard des médias subventionnés tout en vantant les mérites de la presse française en général, cachant à peine un chauvinisme périmé.
Les vœux qu’a formulé le président s’inscrivent donc dans un contexte électoral particulier mais aussi dans un contexte sanitaire marqué, alors que le pouvoir en place a serré la vis comme jamais, notamment au sujet des libertés citoyennes. Un contexte global étrange mais aussi une occasion pour le pensionnaire de l’Elysée de faire la promotion du rapport de la commission Bronner qu’il avait lui-même fondé en septembre 2021. Cette commission fondée sur la désinformation et le complotisme était en outre pompeusement nommée « Les Lumières à l’ère numérique ». Une commission qui a donné un ensemble de pistes que le président devrait suivre :
« […] pour répondre au complotisme et à ce qu’on appelle l’enfermement algorithmique, c’est-à-dire le fait de ne jamais être confronté à des informations contradictoires, ce qui est aujourd’hui le cas de millions de nos concitoyens à travers le monde. Beaucoup de propositions ont été faites, qui méritent un débat démocratique approfondi. Je souhaite que nous puissions avoir ce débat. »
Avoir un débat, certes, mais avec qui ? Avec les médias subventionnés et donc ceux dont la dépendance vis-à-vis de l’État, qui les nourrit, peut-être mis en cause. Un entre-soi journalistique qui ne fait guère d’ombre au chef de l’Etat qui entend bien maintenir cette relation baptisée : « la reconnaissance entre pairs » :
« Mais il y a un travail que vous avez commencé collectivement et qui prospère, qui relève d’ailleurs de mêmes initiatives que celles conduites à l’international que j’évoquais tout à l’heure. C’est un travail de reconnaissance entre pairs. Je crois à la vertu de celui-ci. Et je pense que c’est un travail extraordinairement fécond. Donc je pense que chacun doit être mis à sa juste place, j’en suis le garant de là où je suis et je veillerai à ce qu’il n’y ait pas d’intrusions, ni du politique, ni de l’administratif, ni des pouvoirs publics dans cette identification. »
Donc pas d’intrusions du genre politique et de l’administratif dans cette identification, mais un haut patronage du président qui se place en garant ; un garant dont la dépendance interroge, à plus forte raison en pleine campagne présidentielle. Une campagne dont les médias sont un acteur clé comme peut en témoigner le candidat de la droite parlementaire François Fillon, dont la presse avait écrasé la candidature en 2017.
Si Macron a repoussé les réformes d’envergure concernant ce secteur à la période qui suivra l’élection, il a néanmoins affirmé qu’il avait des propositions « très fortes » à annoncer :
« […] sur la question des algorithmes en particulier, j’ai des propositions très fortes et nous aurons collectivement à avoir des débats, sans doute des régulations. Ces plateformes sont des biens communs. Notre recherche doit pouvoir avoir accès à leurs données, à leurs mécanismes de construction, à leurs algorithmes. Sans quoi nous sommes tous les fournisseurs ou les utilisateurs de mécanismes plus puissants que nous et qui nous manipulent. »
Les plateformes privées que le président considère comme un bien commun n’en est pas un tout comme les algorithmes que le président souhaiterait bien contrôler lorsqu’ils ne sont pas à son avantage, le tout sous couvert de défense de liberté de la presse en France, en Europe et dans le monde. Et sans pour autant aborder l’affaire du célèbre journaliste Julian Assange, persécuté par les États-Unis pour avoir simplement effectué son travail.
Le président a évoqué la presse étrangère sans vraiment citer de titres ni de noms, mais en fustigeant les pays qui ne respecteraient pas sa vision de l’information et de la liberté de la presse. Pour l’heure les restrictions vis-à-vis des médias étrangers sont essentiellement concentrées sur la Russie et non sur les pays du Golfe !? Allez comprendre.
Faisant part de sa crainte de rachats étrangers de médias français, Emmanuel Macron a également dit son inquiétude concernant les concentrations. Un petit clin d’œil à Vincent Bolloré, évidemment; comprenons ici, il y a les bonnes et les mauvaises concentrations, celles de ses amis et les autres. Les 45 minutes de vœux ont enfin été l’occasion d’égrainer de nombreuses références au complotisme entourées de quelques « singeries » à l’attention des médias et journalistes établis ; des journaux et médias internet auprès desquels le président semble avoir une bonne cote de popularité, à en croire les applaudissements qui ont suivi son pauvre discours.