La grève contre la réforme des retraites se durcit dans les raffineries. En conséquences, de nombreuses stations françaises sont à sec pour la première fois depuis le début du conflit, principalement dans le sud-est où les préfectures du Vaucluse et du Gard ont décidé de contingenter les ventes.

Dans la nuit, le terminal pétrolier de Donges a été évacué par les forces de l’ordre. Au dépôt de Fos-sur-Mer, des réquisitions de personnel ont été annoncées mardi matin par le gouvernement.
8 % des stations-service françaises manque d’au moins un carburant mardi 21 mars. « Il n’y a plus aucun produit qui sort à cette heure » de l’ensemble des raffineries de France, que ce soit des six raffineries conventionnelles ou de la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), a affirmé lundi 20 mars Eric Sellini, élu national de la CGT Chimie. Les expéditions de carburants vers les dépôts qui alimentent les stations-service étaient déjà bloquées ce weekend dans la plupart des raffineries pour protester contre la réforme des retraites.
Réquisitions de personnel au dépôt de Fos-sur-Mer, la CGT bloque
Mardi matin, le gouvernement a annoncé des réquisitions de personnel au dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer. « La réquisition est valable pendant 48h en tant que de besoin, à compter du 21 mars » et concerne « des personnels indispensables au fonctionnement du dépôt » qui approvisionne la région PACA et l’Est de la région Occitanie en carburants, a précisé le ministère dans un communiqué.
À Marseille, les opérations escargot de la CGT qui devaient avoir lieu aux abords de la ville, se dirigent finalement vers le dépôt pétrolier pour bloquer les réquisitions.
Depuis lundi, les raffineries de TotalEnergies à Feyzin (Rhône) et celles d’Esso-ExxonMobil à Fos-sur-Mer ont de nouveau cessé les expéditions, selon la CGT, ce que confirment les directions des deux groupes. « Jusqu’à jeudi soir, il n’y aura aucune sortie de carburant, que ce soit par wagon ou par camion », a indiqué Lionel Arbiol, délégué CGT à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer.
Jusqu’à très récemment, les raffineries continuaient à produire du carburant, même si celui-ci n’était pas expédié. Mais cela change avec l’arrêt ce week-end d’une première raffinerie, la plus grande de France, celle de TotalEnergies en Normandie. L’opération prend plusieurs jours et l’installation devait être complètement à l’arrêt mardi matin au plus tard. A ce stade, certaines unités de la plateforme « restent en exploitation normale et assurent leur production », selon la direction.
Des procédures de mise à l’arrêt dans plusieurs raffineries
D’autres raffineries ont suivi comme Pétroineos à Lavéra (Bouches-du-Rhône), où « la procédure d’arrêt » a été lancée lundi après-midi, selon Sébastien Varagnol, délégué CGT. Près de Lyon, l’heure n’est plus à reprendre le travail. D’après Jeff Vapillon, syndicaliste FO et salarié du site de Feyzin, l’équipe de 06H00 du matin n’est pas venue relever l’équipe de nuit lundi. Celle-ci a dû prolonger son travail, afin de pousser la direction à prendre des « consignes d’arrêt ».
La raffinerie Esso-ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime) pourrait, elle, s’arrêter de produire mardi au plus tard, faute de pétrole brut à raffiner, conséquence d’une grève au port pétrolier du Havre, selon la CGT. La production de la raffinerie est « réduite et ajustée en fonction des arrivées de pétrole brut, mais elle n’est pas arrêtée », selon la direction.
37 % des stations-service à sec dans les Bouches-du-Rhône
La moitié des stations-service des Bouches-du-Rhône manquaient lundi d’un type de carburant, et 37 % sont à sec, selon des données publiques. Les préfectures du Vaucluse et du Gard ont décidé lundi de limiter les ventes de carburants dans les stations du département, jusqu’à jeudi inclus, notamment à 30 litres par véhicule tout. La vente d’essence dans des jerricans a également été interdite afin d’éviter des phénomènes « d’achats préventifs préjudiciables au bon fonctionnement » de ces stations. Une mesure qui durera jusqu’à vendredi 18H00 dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le Var de son côté n’interdit que la vente en jerricans jusqu’à jeudi.
200 dépôts pétroliers remplis après la crise
Le manque de carburants touche également quelques départements de l’Ouest, comme la Loire-Atlantique, où la raffinerie de Donges a cessé ses expéditions de carburants depuis de nombreux jours. Les forces de l’ordre sont intervenues dans la nuit de lundi à mardi pour débloquer le terminal pétrolier, occupé depuis une semaine par des grévistes. Selon une source de la CGT à Quotidien Libre, le port pétrolier a été évacué en moins de 2 heures pour faciliter un déchargement d’une cargaison de gasoil.
La France compte 200 dépôts pétroliers et les pétroliers avaient anticipé pour éviter la pénurie géante d’octobre, causée par un conflit sur les salaires chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil. « Les dépôts fonctionnent quasiment tous normalement », a assuré Olivier Gantois, président de l’Ufip, syndicat professionnel des entreprises pétrolières, qui a évoqué « entre cinq et huit dépôts de carburants bloqués ».
La région parisienne bientôt touchée ?
Lundi soir, les exportations de pétrole du dépôt pétrolier CIM du Havre étaient bloquées « jusqu’à jeudi 19h00 » après une reprise de 12 heures dimanche, a indiqué Fabian Bourdoulous, secrétaire CGT du site. Pour Francis Pousse, président du syndicat professionnel Mobilians, le phénomène est « essentiellement concentré dans la région Paca ».
Mais le phénomène pourrait s’étendre, à en croire Eric Sellini, lequel assure que le dépôt de Gennevilliers, qui alimente une grosse partie de la région parisienne, « n’a quasiment plus de produits ». La direction de TotalEnergies reconnaît que les approvisionnements sont « perturbés », mais assure que les tensions générées sont « temporaires ».