Pour contourner la relation problématique entre le monde de l’art et Facebook ou Instagram, qui bannissent toute nudité, l’office du tourisme autrichien a créé un compte sur la plateforme spécialisée dans le contenu érotique.
Alors que les conséquences de la crise sanitaire se font doucement oublier à Vienne, l’office du tourisme de la ville tente d’y faire revenir les visiteurs étrangers. Son porte-parole l’affirme : « Vienne a toujours été réputée pour son ouverture d’esprit. » Après avoir enregistré une baisse de 78.4% de touristes entre 2019 et 2020, principalement à cause de l’épidémie, la capitale autrichienne semble se remettre sur pied.
À l’occasion de l’exposition Modigliani au musée Albertina, un compte OnlyFans a été créé dans le but de faire la promotion de certaines peintures de nus féminins. Cette plateforme permet de mettre en ligne des images à caractère pornographique sans risquer d’être censuré. Certaines photos des œuvres de l’artiste avaient été supprimées des différents réseaux sociaux de l’office du tourisme pour cause de nudité, rendant la promotion de l’exposition impossible. Le musée Albertina n’est pas le seul à profiter de ce compte, la plupart des musées de Vienne ont rejoint le courant afin de faire connaître du grand public certaines œuvres représentant des nus, sans être censuré.
OnlyFans reste la seule plateforme sur laquelle les contenus interdits aux mineurs sont garantis de ne pas subir de censure. Malgré la hausse du nombre de ses utilisateurs pendant la pandémie, passant de 7,5 à 85 millions, au mois d’août dernier la plateforme avait envisagé d’interdire les contenus «sexuellement explicites». Elle a toutefois fait marche arrière après avoir fait face à de vives réactions de la part des créateurs et des utilisateurs.
Dans un entretien accordé au quotidien The Guardian , Helena Kartlauer, porte-parole de l’office du tourisme de Vienne, dénonçait un réel sentiment d’injustice. « Bien sûr, vous pouvez travailler sans cela, mais ces œuvres d’art sont cruciales et importantes pour Vienne – quand vous pensez à l’autoportrait de Schiele de 1910, c’est l’une des œuvres d’art les plus emblématiques. S’ils ne peuvent pas être utilisés sur un outil de communication aussi puissant que les médias sociaux, c’est injuste et frustrant», confiait-elle au média britannique. En ce qui concerne l’exposition Modigliani, elle regrette le fait que «certaines œuvres de l’exposition actuelle de l’Albertina, du portraitiste italien Amedeo Modigliani, sont trop explicites pour en faire la promotion.»
Selon Helena Kartlauer, au-delà de cette campagne, l’office du tourisme de Vienne conservera le compte OnlyFans. «Cette initiative marketing de notre part n’est pas la solution ultime à cette relation problématique entre le monde de l’art et les médias sociaux, mais… nous voulons défendre nos valeurs et nos convictions», explique-t-elle au journal anglais.
Des années de censure
Cette décision fait à la suite d’années entières de censure sur les réseaux sociaux. En 2018 déjà, la photographie réalisée par le Musée d’Histoire Naturelle et représentant la figurine de Vénus de Willendorf vieille de 25.000 ans, avait été jugée pornographique et retirée par Facebook. En 2019, un incident similaire avait eu lieu mais sur Instagram cette fois-ci. La plateforme avait estimé qu’une peinture de Peter Paul Rubens allait à l’encontre des règles de sa communauté, interdisant toutes représentations de nudité, et l’avait supprimée. Au mois de juillet, le musée Albertina avait mis en ligne des œuvres du photographe japonais Nobuyoshi Araki dévoilant un sein féminin, entraînant la suppression de son compte TikTok et forçant le musée à ouvrir un nouveau compte. Toutes ces censures ont lieu malgré le fait que ces représentations de nus sont «de nature artistiques ou créatives.»