Âgé de deux à trois ans, l’enfant baptisé Mtoto par les chercheurs aurait appartenu à l’une des premières communautés humaines à ensevelir ses morts.
Le petit ensemble d’ossements était apparu, dans toute sa fragilité, au beau milieu d’une couche de sédiments de couleur claire, découverte à quelque trois mètres de la surface, à l’orée d’une caverne kenyane. Attribuée à un enfant de trois ans environ, la dépouille avait été déposée dans une fosse et sans doute entourée d’un tissu ou d’un linceul, comme il est encore aujourd’hui de coutume. Ces fragments de squelette, cependant, n’ont rien de contemporain. Daté de près de 78.000 ans, cet individu préhistorique baptisé Mtoto (« enfant », en Swahili) aurait été inhumé dans la plus ancienne sépulture jamais mise au jour sur le continent africain.
Identifiés dès 2013 – après trois ans de recherches – par une équipe de chercheurs internationaux en charge du site de Panga ya Saidi (Kenya), les vestiges de Mtoto ont fait l’objet d’une longue et patiente fouille qui n’a mis en évidence qu’en 2017, l’intégralité de la petite fosse creusée autour du défunt. Étudiés, depuis, dans un laboratoire espagnol du Centre national de la recherche sur l’Évolution humaine (CENIEH), à Burgos, les ossements et la sépulture sont enfin présentés, cette semaine, dans une publication scientifique majeure parue dans la revue de référence Nature . Signé d’une trentaine de scientifiques, répartis en majorité entre l’Allemagne, l’Espagne et la France, l’article souligne l’importance à la fois archéologique et anthropologique de cette découverte du Paléolithique moyen africain.
Premières inhumations humaines
Enterré peu de temps après sa mort dans une fosse creusée pour l’occasion, Mtoto avait été entouré de soins funéraires, comme en témoigne son placement en position fœtale, son supposé linceul, ainsi que la présence tout aussi probable d’un repose-tête plus ou moins élaboré disparu depuis. Autant de détails qui, pour la directrice du CENIEH María Martinón-Torres, peuvent attester «d’une forme de rite funéraire». D’un niveau de complexité mal cerné, celui-ci pourrait avoir été accompli par la communauté de l’âge de pierre à laquelle appartenait Mtoto. Un véritable bond cognitif pour des humains qui, jusqu’alors, se contentaient par exemple de déposer leurs défunts «au fond de grottes, dans des fissures naturelles», ou de juste les décharner, comme le rappelle un communiqué du Laboratoire d’excellence Sciences archéologiques de Bordeaux dont des chercheurs ont participé à l’étude internationale des vestiges de Panga ya Saidi. Quelques traces éparses de cette communauté indéfinie ont d’ailleurs pu être identifiées sur le même site, par la présence de pierres taillées et de fragments d’escargots – consommés en quantité – sur la même couche stratigraphique de Panga ya Saidi, qui est restée habité jusqu’au tournant de notre ère.
Daté d’une époque où coexistaient encore plusieurs espèces humaines, la découverte de Panga ya Saidi permet également d’étoffer les connaissances sur les ponts culturels qui existaient entre Sapiens et ses cousins, un thème de recherche qui est en plein développement depuis plusieurs années. Car si la sépulture de Mtoto est la plus ancienne connue à ce jour en Afrique, des découvertes effectuées sur le continent eurasiatique ont depuis longtemps mis en évidence des sites funéraires plus vénérables encore, remontant jusqu’à près de 120.000 ans chez les Néandertaliens, et jusqu’à 100.000 ans chez Sapiens.