La Russie a lancé une offensive dans les territoires russophones et contre des points stratégiques de l’Ukraine. Le prolongement tragique de l’incurie diplomatique de Paris et des États européens sont empêtrés dans leur position atlantiste*.
[…] j’ai pris la décision d’une opération militaire. A ceux qui tenteraient d’interférer avec nous et plus encore de menacer notre pays, notre peuple, ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez jamais connues.
a déclaré Vladimir Poutine.
Nous le savons désormais, l’armée russe s’est déployée dans une partie de la région du Donbass, attaquant ainsi des positions militaires ukrainiennes. Une guerre sur notre sol, entre Européens, qui s’inscrit dans ce célèbre et long conflit historique opposant américains et russes et dont l’Ukraine est devenue l’épicentre. Cette république du sud-est de l’Europe a rompu ses liens diplomatiques avec la Russie, et toutes les chancelleries y vont de leurs décisions aussi versatiles que surprenantes. L’ambassade de France en Ukraine ouvre une cellule de crise quand Berlin affirme vouloir aider la Pologne en cas d’afflux de réfugiés. L’Allemagne, au cœur des enjeux d’influence avec l’annulation de Nord Stream 2 (gaz), craint diverses cyberattaques. La Lituanie, elle, instaure l’état d’urgence. Bref, Bref, avoir l’air bête peut être utile, mais l’être vraiment serait plus simple.
Depuis Bruxelles, les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays de l’Union européenne (UE) ont approuvé cette nuit un nouveau train de sanctions contre la Russie dans les secteurs de l’énergie, des transports de la finance – sans toutefois aller jusqu’à exclure le pays du système d’échanges bancaires internationaux SWIFT – en réponse à son opération militaire en Ukraine. Moscou a promis une réponse sévère à ces sanctions. L’ambassadeur russe a par ailleurs été convoqué par l’UE à Bruxelles afin de réclamer la cessation immédiate des opérations militaires et le retrait inconditionnel de toutes les forces et équipements militaires sur le territoire ukrainien. L’OTAN a quant à elle annoncé qu’elle tiendrait un sommet en visioconférence ce vendredi. Aucun déploiement militaire de l’Alliance atlantique ne devrait toutefois avoir lieu sur le sol ukrainien.
Si l’attaque lancée par Moscou a été fatale à l’état-major ukrainien du Donbass, la volonté russe est de réduire les forces armées ukrainiennes à peau de chagrin et – de manière schématique – de s’emparer des territoires russophones. Une guerre d’occupation sur l’ensemble du territoire ukrainien semble donc peu envisageable, d’autant que le Kremlin voudrait s’épargner de compter des morts dans ses rangs.
Le président Volodymyr Zelensky – après avoir demandé à ses soldats d’infliger le maximum de pertes à l’ennemi – a déclaré, dans une adresse vidéo publiée sur les réseaux sociaux qu’il avait entendu [que Moscou voulait] parler d’un statut neutre pour l’Ukraine […]
Nous n’avons pas peur de la Russie, nous n’avons pas peur de nous engager dans des discussions avec la Russie, nous n’avons peur de discuter avec personne de garanties de sécurité pour notre Etat, nous n’avons pas peur de discuter d’un statut neutre.
Mais nous ne sommes pas dans l’OTAN pour l’instant. Quelle garanties de sécurité aurons-nous ? Quels pays nous les donneront ?
Un discours pleutre qui illustre le déséquilibre existant entre les deux entités militaires. D’un côté Volodymyr Zelenski, acteur de series télé soutenue par l’Occident et de l’autre Poutine, ancien Officier du KGB, proche conseiller du président Boris Eltsine qui fait de lui le directeur du Service fédéral de sécurité en 1998, puis le président du gouvernement de la Russie.
Cette guerre froide sur le sol européen risque d’être particulièrement angoissante pour les esprits occidentaux. En effet, le développement des réseaux sociaux et la numérisation du conflit, ou encore l’arrivée des drones dans les échanges armés, entraînent déjà des conséquences importantes voire néfastes sur les opinions publiques.
Alors que Washington annonçait cette attaque avec insistance, difficile de démêler les intentions de chacun. Qui bluffe ? Qui pousse à la guerre ? L’embarrassante propagande américaine s’est-elle transformée en prophétie auto-réalisatrice ? En France, Macron avait tenté une conciliation, il y a quelques jours. Mais son rôle de supplétif des États-Unis dans l’Alliance de l’OTAN et son manque d’efficacité crasse en matière diplomatique a réduit à néant le poids de Paris.
Vingt ans après, l’espace euro-américain se prend en pleine « gueule » le boomerang du Kosovo. En bradant leurs souverainetés à des organisations supranationales à la botte des Etats-Unis, les États européens ne peuvent plus garantir la paix jusque sur leur propre sol. Résultat ? Depuis jeudi ce sont des Européens qui s’entre-tuent en Ukraine. Une issue dramatique qui laissera des traces. Des civils ont déjà trouvé la mort dans ces combats et d’autres mourront dans les jours à venir.
Parmi nos confrères occidentaux, la propagande turbine à plein régime. Dans les médias, on lit tout et n’importe quoi. Un sondage du journal Le Figaro proposait hier matin: « Les occidentaux doivent-ils armer les Ukrainiens ? » La question est assez conne: l’Occident arme déjà l’Ukraine ! Des journaux qui enclenchent unanimement l’opération « diabolisation » de Vladimir Poutine – loin d’être un enfant de choeur – se focalisant sur le personnage afin de le psychiatriser dans l’opinion française. Une manœuvre qui n’entraînera aucune conséquence sur ce conflit. Le contraire serait étonnant.
Les réactions de la classe politique française sont communes, elles aussi. Même les candidats les plus équilibrés sur les questions internationales ont logiquement dénoncé cette attaque sur le sol européen. Que ce soit Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou encore Éric Zemmour, tous condamnent l’intervention militaire de Vladimir Poutine, voyant ainsi leur position politique respective validée par cette tragique réalité.
Aujourd’hui, la France et l’UE sont totalement hors-jeu. La dépendance de Paris et de la majorité des chancelleries européennes à l’OTAN empêche de faire valoir une autre voie que celle tracée par Washington. Si le président Macron a condamné à demi-mots la décision de la Russie d’entrer en guerre contre l’Ukraine, il avait déclaré, il n’y a pas si longtemps, que nous étions « en guerre » au sujet de la crise sanitaire et du covid. Il peut désormais contempler son ânerie en matière de communication.
Plus généralement, revenir à une séparation du type « rideau de fer », entre l’Est et l’Ouest européen, serait à moyen terme dramatique pour le continent. Quelques interrogations subsistent: À qui profite la guerre ? Qui a intérêt à ce scénario catastrophe en Europe ? Les événements tragiques qui se jouent en Ukraine doivent également être mis en perspective avec le traitement de l’actualité en Occident. Si demain la Russie arrive à ses fins et que les troupes de Moscou se cantonnent à quelques zones soumises, l’intérêt médiatique occidental pour ce conflit pourrait soudainement s’évanouir et reléguer cette « guerre » ukrainienne au second plan; à la manière d’autres conflits comme en Afghanistan, il y a quelques mois, ou encore à Hong Kong, dont tout le monde se fiche ou a oublié. Alors que voulons-nous ?
*Courant prônant l’alignement politique et militaire, ainsi que la coopération économique de l’Europe avec les pays d’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada principalement). L’atlantisme a pour origine le pacte de l’Atlantique Nord, instauré pendant la guerre froide.