Une professeure d’EPS contrainte de dissimuler son lesbianisme, la relation toxique entre deux amis dans un petit village de l’Hérault, un centre de psychiatrie installé sur un bateau… Que faut-il voir cette semaine ? Découvrez notre sélection ciné.

« Chien de la casse », drame de Jean-Baptiste Durand (1h33)
Dog et Mirales. Leurs surnoms n’ont rien d’innocent. Dog, c’est Damien (Anthony Bajon), taiseux et timide. Mirales (Raphaël Quenard), c’est Antoine, tchatcheur et hâbleur. Ils ont trente ans ou presque et vivotent dans un petit village. Dog tue le temps en jouant à la PlayStation. Mirales ne fait rien de son CAP de cuisinier. Il deale des barrettes de shit, se promène avec son chien, Malabar. Il vit avec sa mère, dépressive.
Pour son premier long-métrage, Jean-Baptiste Durand parle de ce qu’il connaît. Il filme un village de l’Hérault à la morte-saison. Les rues sont vides. Les volets fermés. L’ennui partout. Chien de la casse est un film de village, comme on parle de film de banlieue. Il montre une jeunesse périurbaine plutôt rare sur les écrans français. Aux États-Unis, on les appelle des underdogs. Des moins que chien. C’est une fiction puissante, le récit d’une amitié toxique. On pense à La Boétie et à la servitude volontaire. Chien de la casse acte la naissance d’un cinéaste. Durand a moins de trente ans. Il est bourré de talent. Vivement son deuxième long-métrage.
« Sur l’Adamant », documentaire de Nicolas Philibert (1h49)
Bienvenue sur l’Adamant. Ce superbe bateau tout en bois, qui semble s’éveiller chaque matin lorsque ses stores se roulent et ses persiennes s’entrouvrent, a été inauguré en 2010. Il est l’un des maillons du parcours de soins proposé par le pôle psychiatrique de Paris Centre pour les patients des quatre premiers arrondissements de la capitale. Ils sont en foyer, chez eux ou dans la rue, mais on ne le saura pas. L’idée de Nicolas Philibert est de les cueillir sur ce bateau qui semble tenir du miracle au milieu des bruits de la ville et des clapotis de la Seine. L’Adamant a de faux airs de centre d’animation idéal pour grands enfants. Ateliers couture, ciné, confiture, dessin… Il y a un café associatif et des instruments de musique, des canapés et des livres. Personne en blouse blanche et tout est prétexte à discussion.
Le réalisateur capte les moments légers. Il laisse venir la parole sans brusquer. Il y a des éclairs de lucidité et des abîmes qui s’ouvrent. Les confessions pleuvent. « On guérit de la folie, je veux guérir. » « Je n’ai jamais eu de métier, la poésie ce n’en est pas un, non ? » « Aller voir là-bas qui je suis » a coutume de dire ce documentariste qui filme les enfants (Être et avoir), les orangs-outangs (Nénette) et les patients déjà (La Moindre des choses) avec la même focale humaniste et la même attention extrême. Le miroir est troublant. On ressort de l’Adamant bousculé, le visage de « ces acteurs sans le savoir » gravé en mémoire. Sacrées vedettes, en effet.
« Blue Jean », Drame de Georgia Okley (1h37)
Le premier film de la jeune réalisatrice britannique Georgia Oakley, Blue Jean, ressemble à un uppercut. Situé dans l’Angleterre conservatrice de Margaret Thatcher, il brosse le portrait d’une prof d’éducation physique forcée de dissimuler son homosexualité. Surtout après le vote de la « section 28 », une loi stigmatisant la communauté gay, devenue un argument de campagne électoral pour le parti de la « Dame de fer ». En filmant l’intimité de Jean (d’où le titre), cheveux courts peroxydés, Georgia Oakley montre une jeune femme silencieuse qui dissimule une partie de sa personnalité.
Dans ce climat homophobe au Royaume-Uni à la fin des années 1980, Jean doit à chaque instant être aux aguets, surveiller ses paroles. Blue Jean, prix du public à la dernière Mostra de Venise dans la section Venice Days, fait preuve d’une grande maîtrise stylistique, ainsi que d’une belle sensibilité narrative. Au cœur de ce puissant drame historique, la jeune comédienne Rosy McEwen, dont la présence évoque à la fois Nicole Kidman et Rosamund Pike, donne toute la mesure de son talent en composant un personnage complexe, au cheminement passionnant.