L’Assemblée a voté mardi la ratification du controversé traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (Ceta), positif pour l’économie française selon les uns, lourd de risques pour d’autres.

Les députés français au sortir du vote sur le Ceta, le 23 juillet 2019 à Paris I STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
L’Assemblée nationale a approuvé, par 266 voix contre 213, la ratification du traité de libre-échange Ceta. Ce traité, technique s’il en est, prévoit une réduction des droits de douane entre les continents pour favoriser les échanges commerciaux. Le texte, entré en vigueur pour partie et de manière provisoire il y a bientôt deux ans, suscite toujours des réticences jusque dans la majorité LREM-MoDem. L’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot avait appelé dans une lettre ouverte les parlementaires à avoir le courage de dire non à ce traité, qui risque à ses yeux d’ouvrir la porte à des substances dangereuses par un abaissement des normes sanitaires. Une ratification irait dans le bon sens, lui a répondu Emmanuel Macron, tout en réaffirmant la nécessité de s’assurer que le texte soit bien mis en œuvre. Le chef de l’Etat a souligné que l’ex-ministre s’était lui-même battu pour (l’) améliorer.
L’un des arguments avancés par les opposants à cette ratification est la menace que cette entente transatlantique ferait peser sur la filière française d’élevage et sur les consommateurs français. L’Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande, alerte dans un communiqué sur le risque de voir arriver dans nos assiettes de la viande canadienne issue d’animaux dopés aux farines animales, aux hormones et aux antibiotiques. Our sa part, le gouvernement n’a eu de cesse de le marteler, tout comme le député LREM Jacques Maire, rapporteur du projet de loi de ratification:
Le Ceta ne change rien !
Et le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne d’insister dans les colonnes du journal Le Monde:
Tous les produits interdits en Europe, comme le bœuf aux hormones, n’y entreront pas.
Le Ceta débarque-t-il dans l’assiette ?
Le traité de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada interdit l’importation de viande issue d’animaux traités aux hormones de croissance, mais ne se prononce pas sur l’utilisation des farines animales et des antibiotiques dans les élevages. Les experts jugent qu’il faudra renforcer les contrôles, ce que le Ceta ne prévoit pas. Pourtant à ce jour, des contrôles sont réalisés à la fois au Canada et en Europe :
Il existe depuis 1998 une collaboration du Canada et de l’UE dans les questions sanitaires, en application d’un accord vétérinaire européo-canadien, expose l’économiste Lionel Fontagné. Le Canada est tenu de notifier à l’UE -et réciproquement- tout problème sanitaire sur des élevages.
Des audits sanitaires, réalisés par des inspecteurs de la Commission européenne, ont régulièrement lieu au Canada, pour vérifier la fiabilité des certifications canadiennes, précise Cecilia Bellora, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), rattaché à Matignon.
Le dernier audit sanitaire de l’UE au Canada a eu lieu en 2016, écrit la direction générale du Trésor. Les résultats étaient satisfaisants, notamment pour la filière bœuf sans hormone. Il n’y avait pas de problème de traçabilité. Les inspecteurs de la Commission sont repartis avec un grand niveau de confiance. Le Trésor annonce pour sa part un nouvel audit cette année (2019), sans préciser la date. Des contrôles sont aussi menés sur les produits importés aux points d’entrée de l’UE. L’Inspection générale des finances a dressé de son côté le bilan de ceux faits à un poste d’inspection frontalier français en 2017. Elle y a constaté en revanche des lacunes: aucune recherche d’hormones n’est réalisée sur les viandes importées, la recherche d’antibiotiques n’est réalisée que pour la viande d’agneau et de cheval. Quant à la recherche de farines animales, elle n’est effectuée que dans l’huile de poisson.
Rien ne figure dans le Ceta sur l’adaptation nécessaire de l’organisation des contrôles, constate la commission indépendante chargée d’évaluer le traité.
Pire, le traité permet même une diminution des contrôles physiques. Les membres de la commission estiment que les moyens mobilisés pour assurer ces contrôles, au Canada comme dans l’UE, risquent de ne pas être suffisants pour faire face à la probable prochaine augmentation des produits canadiens destinés à l’exportation vers l’UE. Côté canadien, la commission recommande donc qu’une mission de l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission européenne aille au Canada s’assurer de l’efficacité des programmes de certification sans hormones et obtienne des garanties sur les moyens mobilisés. En Europe, la commission préconise le renforcement des contrôles et des analyses, notamment la recherche d’hormones, sur les viandes canadiennes à leur arrivée dans les postes d’inspection frontaliers européens.