Dans son troisième rapport sur l’atténuation des émissions de CO2, le Giec souligne l’urgence de sortir très rapidement des énergies fossiles pour maintenir la hausse de la température de la planète à 1,5°C. Note optimiste : tous les outils techniques sont à disposition pour réussir ce challenge.
Le constat est alarmant: les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent de croître alors que le rapport du premier groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a détaillé les effets délétères sur le fonctionnement du climat terrestre, et que celui du deuxième groupe de travail a décrit les impacts et destructions sur l’ensemble des activités humaines. Ce troisième groupe sur « l’atténuation » chiffre l’accumulation dans l’atmosphère des GES et détaille toutes les techniques qu’il faudrait déployer ainsi que les politiques publiques qu’il faudrait adopter pour limiter la hausse des températures à 1,5°C.
L’urgence climatique
Les émissions humaines de GES ont atteint 59 milliards de tonnes de CO2 en 2019, soit 12% de plus qu’en 2010 et 54% au-dessus du niveau de 1990. La moyenne, lors de la dernière décennie, s’est établie à 56 milliards de tonnes par an. C’est un record pour ces moyennes décennales. Dans l’absolu, ce sont les émissions du secteur énergétique et de l’industrie qui ont crû le plus, devant les émissions de méthane. En 2019, 34% des émissions proviennent du secteur de l’énergie, 24% de l’industrie, 22% de l’agriculture, 15% des transports et 6% de l’habitat. Mais si l’on considère que la production énergétique est destinée à 90% à l’industrie et aux bâtiments (logement et secteur tertiaire), la part de l’industrie grimpe à 34% et celle de l’habitat à 16%.
On peut cependant enregistrer deux bonnes nouvelles. D’une part, le rythme de croissance se ralentit. Il était de 2,1% entre 2000 et 2009, il a été de 1,3% entre 2010 et 2019. D’autre part, l’intensité énergétique (l’énergie primaire dépensée par unité de PIB) a diminué de 2% par an et l’intensité carbone (le CO2 émis par la combustion des énergies fossiles par unité d’énergie primaire) a baissé de 0,3% par an. Signe que les technologies moins polluantes s’imposent doucement.
Reste qu’il y a de plus en plus urgence. Entre 1850 et 2019, 2400 milliards de tonnes de CO2 ont été relâchées dans l’atmosphère, dont 17% dans la seule dernière décennie. Pour maintenir les températures en dessous de 1,5°C, il ne faudrait plus émettre que 500 milliards de tonnes, soit huit ans d’émissions au rythme actuel. À 2°C, le budget est de 1150 milliards de tonnes. Et c’est au plus riches d’agir en priorité. Les 10% des ménages les plus aisés sont en effet responsables de 54% des émissions, contre moins de 15% pour la moitié de l’humanité la plus pauvre. Les contributions nationales des États publiées dans le cadre de l’accord de Paris à la COP26, à Glasgow en novembre 2021, mènent à une hausse globale des températures de 3,2°C. Une catastrophe climatique…
Les moyens d’une réduction efficace des émissions
Selon les bilans établis par le Giec sur le secteur énergétique, les énergies solaires et éoliennes constituent les outils les plus puissants pour réduire les émissions de GES, loin devant la biomasse, l’hydroélectricité, la géothermie et le nucléaire. Bonne nouvelle : elles s’imposent partout dans le monde. Entre 2010 et 2019, le déploiement du kilowatt solaire a été multiplié par dix et son prix a diminué de 85%. L’énergie éolienne a vu ses coûts décroître de 55%. Le prix des batteries électriques a baissé de 85% également et le nombre de voitures électriques a été multiplié par cent. La lutte contre les fuites de méthane, tant autour des anciens forages que sur tout le système de distribution de gaz, a par ailleurs un bon potentiel de réduction du secteur énergétique.
En matière d’agriculture, de forêt et de changement d’occupation des sols, les leviers les plus efficaces restent la séquestration du carbone dans les sols agricoles, notamment en améliorant leurs teneurs en matière organique et la réduction voire l’arrêt de la déforestation. La lutte contre le gaspillage alimentaire et la conversion vers une diète plus durable et moins carnée comptent pour une moindre part.
Derrière ces deux secteurs très efficaces, les autres domaines de l’habitat, des transports et de l’industrie offrent moins de perspectives de réduction importante. Dans le bâtiment, sans surprise, les politiques d’isolation et de rénovation énergétique, mais aussi la conception de bâtiments neufs, l’efficacité énergétique et les économies de chauffage et d’électricité sont plébiscités. Selon le rapport, 61% des émissions de ce secteur pourraient être évitées en 2050 avec les seules technologies existant aujourd’hui. Dans les transports, l’efficacité énergétique, là encore, mais aussi la diminution de l’usage de la voiture au profit de la marche et du vélo, la réduction des besoins en mobilité, le passage à la voiture électrique sont préconisés. Dans l’industrie, le recours à l’hydrogène, aux bio-énergies et aux énergies renouvelables en remplacement du charbon, du gaz et du pétrole est le moyen le plus efficace, devant le recyclage, l’économie circulaire et la diminution des besoins en matières premières. « L’innovation a déjà fourni des opportunités pour diminuer les émissions et freiner la croissance de ces émissions tout en créant des co-bénéfices environnementaux et sociaux », affirme le rapport.