Paris Match et Franceinfo diffusent des vidéos filmées à l’Assemblée nationale, quand le garde des Sceaux a adressé plusieurs gestes au patron des députés Les Républicains Olivier Marleix.

Jusqu’alors, les images n’avaient pas fuité, épargnant à l’ancien avocat un partage en boucle sur les réseaux sociaux. Mais le moment a bien été filmé, pas par une caméra mais sur des images amateur, dévoilées par Franceinfo et Paris Match ce jeudi 9 mars, deux jours après l’incident.
On y voit Éric Dupond-Moretti, assis sur le banc des ministres, esquisser trois bras d’honneur et interpeller un interlocuteur qui n’apparaît pas à l’écran.
Les gestes mal placés d’Éric Dupond-Moretti provoquent un tollé. L’exécutif condamne le comportement du ministre de la Justice, mais ne le sanctionne pas, alors que plusieurs voix dans l’opposition appellent à sa démission. « Ce comportement n’a pas sa place dans l’hémicycle », a fait valoir mardi soir Élisabeth Borne au ministre dans un entretien téléphonique, selon l’entourage de la cheffe du gouvernement. La Première ministre a dû se charger de cette réprimande, alors qu’Emmanuel Macron n’a pas évoqué l’incident mercredi en Conseil des ministres, selon le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Pourtant le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix a demandé au président de la République de « tirer les conséquences » de cette affaire.
𝗜𝗠𝗔𝗚𝗘𝗦 𝗘𝗫𝗖𝗟𝗨𝗦𝗜𝗩𝗘𝗦 | Les bras d’honneur d’Éric Dupond-Moretti à l’Assemblée nationale mardi 7 mars.
— Paris Match (@ParisMatch) March 9, 2023
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Mardi, Éric Dupond-Moretti a laissé parler son tempérament parfois éruptif. Furieux qu’Olivier Marleix énumère les condamnations, mises en examen ou enquêtes concernant des membres du camp présidentiel, dont lui-même, il a fait deux bras d’honneur. Selon le procès-verbal de la séance, publié mercredi, le ministre a accompagné ces gestes de cette question : « Et la présomption d’innocence, monsieur le député, qu’est-ce que vous en faites ? » Les oppositions se sont aussitôt indignées sur leurs bancs.
Une « insulte à l’égard de la représentation nationale »
« Vous n’avez pas à faire des bras d’honneur dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, monsieur le ministre », l’a aussi rabroué la présidente de séance, Élodie Jacquier-Laforge (MoDem). Éric Dupond-Moretti a assuré qu’il mimait les « bras d’honneur à la présomption d’innocence » que faisait symboliquement selon lui Olivier Marleix, mais a aussi dit qu’il « regrettait » son geste, avant de s’excuser. Olivier Marleix a déploré une « insulte à l’égard de la représentation nationale ». « Ça aurait été un député de La France insoumise, il aurait été exclu, je n’en doute pas, pour 15 jours ». « Un acte inopportun, scandaleux, inapproprié », s’est aussi étranglé le président des Républicains Éric Ciotti.
« Il faut qu’on soit tous absolument exemplaires. C’est-à-dire qu’il faut qu’on se tienne et qu’on se comporte encore mieux dans le cadre d’un débat public qu’on se comporte dans le quotidien », a concédé Olivier Véran devant la presse.
De son côté, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a envoyé une lettre à la Première ministre, dont Quotidien Libre a obtenu copie. « Vous savez que j’exige des députés qu’ils soient eux-mêmes exemplaires à l’égard de l’institution et du gouvernement. J’attends en retour une même exemplarité de la part des ministres », y demande-t-elle.
Ils demandent la démission d’Éric Dupont-Moretti
Une absence de sanction signe « une sorte d’impunité » et envoie « un signal désastreux », estime le député socialiste Jérôme Guedj, réclamant la démission du garde des Sceaux. Tout comme la patronne du groupe des députés RN Marine Le Pen, pour qui ces bras d’honneur « discréditent » le ministre.
Éric Dupond-Moretti est un des poids lourds du gouvernement. Nommé garde des Sceaux à l’été 2020, il a été reconduit après la présidentielle de 2022. Et ce malgré une mise en examen pour prise illégale d’intérêts et ses rapports houleux avec les magistrats.
Lorsqu’il était un médiatique avocat, réputé grognon, il était craint des magistrats et, parfois, de ses confrères, pour ses « coups de gueule » dans les prétoires. Avec sa carrure et sa voix intimidantes, il a impressionné, rudoyé et fait trembler les cours d’assises de toute la France. Son arrivée à l’Assemblée nationale n’a pas manqué de susciter la curiosité des députés. Certains d’entre eux ont parfois cherché à le titiller, voire à le défier lors des séances de questions au gouvernement. Mais à vouloir jouer solo au sein des plus hautes instances gouvernementales, le ministre de la Justice risquerait de payer cher ses égarements puériles.