Le 30 janvier 1972, quatorze civils sont tués par des parachutistes britanniques lors d’une manifestation pacifique de militants catholiques, à Derry. Retour sur ce jour sanglant, qui inspira les artistes.
Le 30 janvier 1972 se produisit l’un des épisodes les plus sombres de la guerre civile en Irlande du Nord. Des parachutistes britanniques ouvraient le feu sur une manifestation pacifique de militants catholiques, causant la mort de 14 personnes.
Surnommée la journée du «Bloody Sunday», elle restera gravée dans les mémoires. Ce «Dimanche sanglant» aura fortement inspiré des interprètes britanniques comme John Lennon, Paul McCartney ainsi que l’emblématique groupe de rock U2. Le réalisateur anglais Paul Greengrass reviendra, lui aussi, sur ce massacre historique, dans le film politiquement engagé Bloody Sunday, sorti en 2002.
Le premier à témoigner en chanson de ce dimanche tragique est John Lennon, descendant d’Irlandais. Dans la foulée des événements, le membre fondateur des Beatles sort en juin 1972 son double album Some Time in New York City où l’on retrouve, sur la face B, le titre Sunday Bloody Sunday, coécrit avec sa compagne Yoko Ono.
Le chanteur pacifiste y dénonce le massacre perpétré par l’armée Britannique à Derry, qui causa la mort de 14 manifestants catholiques dont sept adolescents. «C’était le dimanche sanglant quand ils ont tiré sur les gens présents. Les cris de treize martyrs emplissaient l’air de Derry», chante l’interprète d’Imagine.
Paul McCartney, alors membre des Wings, écrit le titre Give Ireland Back to the Irish quatre semaines après la tuerie. Jugé trop controversé, il est interdit de diffusion en 1972 en Angleterre. Si certains y voient une manière de relancer sa carrière après la séparation des Beatles, d’autres, comme le critique musical Stuart Maconie soutiennent le chanteur britannique. «Je pense que, comme beaucoup d’autres, McCartney a simplement été horrifié par le «Bloody Sunday». Et en tant qu’enfant de la diaspora irlandaise très présente dans le nord-ouest de l’Angleterre, il a ressenti le drame encore plus intensément.» affirme Stuart Maconie la BBC.
Dix ans plus tard, en 1982, le quatuor britannique U2 compose Sunday Bloody Sunday, l’un de ses plus grands tubes. Créé par The Edge, le guitariste du groupe, et retravaillé par Bono, le premier titre de l’album War rend hommage aux victimes du drame présentes au cours de la marche de l’association nord-irlandaise pour les droits civiques réclamant la paix entre protestants et catholiques. Pourtant, à sa sortie, la chanson engagée reçoit un accueil mitigé, U2 étant accusé d’être trop proche de l’IRA.
En 2017, trente-cinq ans après sa sortie, Sunday Bloody Sunday, interprété plus de 600 fois en concert par ses créateurs, reste encore dans les mémoires comme un titre symbole mondial de paix. Le groupe l’a souvent dédié aux victimes du conflit israélo-palestinien, des attentats de Bali en 2002 et plus récemment des attaques terroristes du 13 novembre à Paris.
Pour le trentième anniversaire du «Bloody Sunday», Paul Greengrass réalise un film sur le drame survenu le 30 janvier 1972. Pour cette fiction, le cinéaste a souhaité rester le plus fidèle possible à la réalité des faits. Pour cela, il s’est entouré non pas d’acteurs professionnels, mais de témoins de l’époque. «Je crois que ce film peut être très utile. Il peut nous aider à tourner plus vite la page du «Bloody Sunday», déclare alors sur la BBC, Ivan Cooper, leader de la marche nord-irlandaise à Derry. Le long-métrage sera doublement honoré, l’année de sa sortie en 2002, du Prix du Public au Festival de Sundance et de l’Ours d’Or à la Berlinale.