ÉCONOMIE I Le 31 octobre 2008 naissait le bitcoin, première monnaie virtuelle décentralisée. Dix ans plus tard, la principale cryptomonnaie nourrit un complexe écosystème mais peine toujours à convaincre dans la sphère économique.

Une représentation visuelle de la crypto-monnaie Bitcoin dans une boutique de Tel-Aviv, le 6 février 2018 en Israël I AFP/Archives / JACK GUEZ
Dès sa première évocation en 2008, le bitcoin porte une vision politique.
Apparu dans un livre blanc écrit par Satoshi Nakamoto, pseudonyme dont l’identité derrière reste inconnue, l’objectif affiché est d’utiliser un système de registre décentralisé, la blockchain, pour effectuer des paiements en ligne directement d’un tiers à un autre sans passer par une institution financière.
Cette ambition est alors nourrie par la faillite de la banque Lehman Brothers, survenue un mois plus tôt, qui a jeté le discrédit sur les monnaies traditionnelles où une petite élite de banquiers s’enrichit beaucoup, établit les règles monétaires et les impose à tout le monde, souligne Pierre Noizat, qui a fondé la première plateforme française d’échange de bitcoins en 2011.
Après sa création, le bitcoin évolue pendant plusieurs années hors des radars du grand public, n’intéressant guère que les geeks ou les blanchisseurs d’argent sale. En 2013, le bitcoin qui ne valait quasi-rien au départ dépasse pourtant les $1.000 et commence à attirer l’attention des institutions financières. La Banque centrale européenne évoque un dangereux fonctionnement à la Ponzi, quand le patron de l’époque de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, salue à l’inverse son potentiel.
Une enfance turbulente
Quelques mois plus tard, la cryptodevise doit pourtant affronter sa plus grande crise avec le piratage de la plateforme MtGox, où s’échangeait jusqu’à 80% des bitcoins en circulation. Le cours s’effondre et il faudra attendre plus de trois ans avant qu’il ne revienne à son niveau de fin 2013. L’année 2017 constitue d’ailleurs un tournant, pour Pierre Noizat, la sulfureuse cryptodevise passant de moins de $1.000 pour un bitcoin à plus de $19.500 mi-décembre, selon des chiffres compilés par Bloomberg. La capitalisation totale du bitcoin dépasse temporairement les $300 milliards, selon le site spécialisé Coinmarketcap. Celle de toutes les cryptomonnaies confondues dépasse même les 800 milliards début janvier 2018, avant que la bulle n’éclate et ne ramène progressivement la valeur du bitcoin autour de $6.400.
Le concept de monnaies virtuelles, qui existait déjà avant, s’est considérablement répandu grâce au bitcoin, a jugé Bob McDowall, analyste en crytpomonnaies, alors que plus de 2.000 autres monnaies virtuelles ont essaimé derrière son succès. Une réussite telle que le concept a dépassé le simple statut d’avancée technologique pour devenir presque une religion pour certains, s’inquiète M. McDowall. Anthony Lesoismier, co-fondateur de Swissborg (fonds d’investissement suisse proposant des portefeuilles d’actifs basés uniquement sur la blockchain), a jugé que la vraie révolution se situe au niveau philosophique, en instaurant un nouveau régime de société avec plus de liberté.
Une vision récusée par l’économiste Nouriel Roubini, connu pour ses prises de position anti-cryptomonnaie. Selon lui, leur décentralisation, souvent mise en avant, est un mythe.
C’est un système plus centralisé que la Corée du Nord. Les mineurs (de cryptomonnaies) sont centralisés, les échanges sont centralisés et les développeurs sont des dictateurs, a-t-il récemment dénoncé.