Vous l’attendiez avec « impatience » ? Macron entre en campagne pour 2022. A travers un site internet créé sous l’adresse « avecvous2022 », le président sortant prépare le terrain… Mais de quel terrain parle-t-il ?
Oyé, oyé, braves emmerdés, « avecvous2022 » – le site web de Macron pour la présidentielle – est en ligne ! Pour ceux qui avaient encore des doutes sur les intentions du chef de l’Etat de se présenter ou non, la question semble désormais réglée. La distribution de tracts en forme de bilan par ses petites « souris » militantes en novembre 2021, et les quelques campagnes d’affichages engagées par les jeunes avec Macron avaient déjà donné quelques indices.
En lançant ce site « avecvous » dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, un lancement accompagné de quelques collages d’affiches, Macron continue cependant de faire campagne, mais sans broncher. Une communication qui lui offre l’opportunité de tenir en haleine le macroniste apeuré de voir perdre son candidat et d’espérer un petit bond dans les sondages dès l’annonce officielle de sa candidature ; une « postulation » qui devrait intervenir au mois de mars 2022, même si le calendrier est susceptible d’évolution en tous genres.
Concernant le site à proprement parler, il est convenu et bourré d’artifices. Comme à son habitude – ce n’est plus une surprise – Emmanuel y fait du Macron. Le concept repose sur l’idée que chacun puisse s’exprimer « librement », avec en toile de fond la majorité silencieuse anciennement revendiquée par la droite de l’échiquier politique et qui permet de se réclamer de personnes qui ne parlent pas ; pratique pour éviter tous dérapages incontrôlés.
Sur ce site finement maquetté figurent des personnes bien vivantes qui défendent le bilan du pensionnaire de l’Elysee. Ainsi, Dominique, 75 ans, une retraitée de Palavas-Les-Flots (Hérault) témoigne dans un petit texte de son vécu. Les messages politiques sont à peine cachés ici, car cette professeure affirme que les 35 heures ne lui suffisaient pas et qu’elle a donc monter des écoles d’enseignement esthétique privées dans plusieurs villes de France, mais aussi… à Miami (Floride) ! Tout cela pour montrer un chemin à nos jeunes; un chemin politique puisque Dominique, par ailleurs à la tête de l’association Reine de cœur, avait été invitée par l’ancien président de l’Assemblée nationale, François de Rugy au début du quinquennat. On ne sait pas si le homard était à son goût.
Une professeure pas comme les autres donc, qui correspond bien aux gens qui sont quelque chose et non à ceux qui ne sont rien, c’est à dire ceux dont le président de la République parlaient au début de son mandat.
L’autre senior mis à l’honneur est un riche viticulteur bourguignon présentant ainsi une image « terroir » au site web. Différents segments électoraux y sont présents : on retrouve également un restaurateur, un patron de pub irlandais, une infirmière pas rancunière, un artiste plasticien ou encore un éleveur. On découvre aussi Nathalie, fondatrice de l’association des mères combattantes, dont la présence cautionne une forme de société civile « sauce macron » et en même temps une diversité. Elle ne dispose pas de site internet, en revanche.
Tous les témoignages sont évidemment positifs et mielleux reprenant les idées déjà éculées en 2017 de la société civile. Dans la réclame présidentielle, on peut notamment retrouver l’idée selon laquelle est reprochée à En Marche ! ou La République En Marche ! (on y perd un peu son latin, NdlR) de ne pas être composé de politiciens de métier. Un reproche repris comme une fierté et qui explique pourquoi la majorité macroniste serait la seule à écouter les Français.
Pour ceux qui auraient encore des doutes sur la nature même de l’initiative, un fuite ou une erreur organisée (ou non d’ailleurs, NdlR) laisse peu de doute : les ministres Dussopt et Riester ont relayé gentiment l’adresse du site. Parmi les abonnés du compte Twitter dédié « avecvous2022 » figurent des ministres comme Marc Fesneau, mais aussi le « labrador de service », Gabriel Attal.
Quinze grandes villes ont connu concomitamment à cette mise en ligne une petite campagne d’affichage. Un tract sera distribué au début du mois de février, de quoi préparer tranquillement la mise en orbite du satellite Macron avec un élément de campagne tout trouvé : la défense d’un bilan fantasmé et l’idée d’ouverture appuyée sur la possibilité de participer à cette mascarade orchestrée, en enregistrant une courte vidéo.
Autosatisfaction, société civile et un zeste de démocratie participative façon « Ségolène Royal »… En communicant averti Macron emprunte de nombreuses références à celles de ses prédécesseurs et devrait calquer sa campagne sur celle de Mitterrand en 1988 avec une entrée officielle tardive. Pour faire plaisir à son hémisphère gauche mourant, il aborde déjà le thème de l’unité, la volonté de se placer au-dessus de la mêlée, mais aussi et surtout ne jamais s’excuser.
Une stratégie habile et audacieuse qui confirme que si la mandature Macron aura suscité un rejet inédit d’une majorité de Français, le président demeure une « bête à cornes » de campagne. Face à ce grand favori dans les sondages, ses adversaires bien avisés devront envisager leur restructuration d’après cette présidentielle naissante et envisager aussi 2027.