A l’issue d’une journée de mobilisation record, l’intersyndicale va continuer à mettre la pression dans la rue et demande à être reçue « en urgence » par Emmanuel Macron pour qu’il retire une réforme des retraites dont le Sénat a accéléré l’examen dans la nuit, malgré la bronca de la gauche plurielle.

L’Elysée n’a pas répondu directement à cette requête des syndicats et s’est contenté d’assurer que… « la porte de l’exécutif est toujours restée ouverte » pour discuter de cette réforme phare du chef de l’Etat.
Si les syndicats avaient promis de mettre mardi la France « à l’arrêt », les taux de grévistes sont restés un peu en deçà des records pour cette nouvelle journée d’action. Mais les cortèges dans la rue ont dépassé le record de mobilisation établi le 31 janvier 2023, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur et ceux de la CGT.
La police a décompté 1,28 million de manifestants et la CGT 3,5 millions, contre respectivement 1,27 million et 2,5 millions pour le 31 janvier. L’intersyndicale avance « plus de 3 millions » de manifestants.
Cette mobilisation « est historique au regard des 40 ou 50 dernières années », a estimé Laurent Berger, le leader de la CFDT.
Ecartant le risque d’un essoufflement des cortèges, l’intersyndicale, qui présente toujours un front uni, a appelé mardi soir à deux nouvelles journées d’actions et de manifestations, d’abord samedi 11 mars puis la semaine prochaine, lorsque Sénat et Assemblée tenteront de se mettre d’accord en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi portant la réforme, très vraisemblablement le mercredi 15 mars, selon des sources parlementaires.
Tandis que des grèves reconductibles touchent des secteurs clés de l’économie, l’intersyndicale a estimé que « le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique qui conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive ».
L’exécutif compte sur l’adoption de la réforme par le Sénat d’ici dimanche et envisage « un vote le 16 mars » dans les deux chambres. La majorité sénatoriale de droite a donné dans la nuit un gros coup d’accélérateur à l’examen de l’article le plus controversé du texte, le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.
Après avoir coupé court au débat grâce à un outil du règlement interne, le Sénat a fait passer à la trappe la majorité des amendements de gauche, qui a fini par quitter l’hémicycle. Les débats reprendront mercredi après-midi sur cet article.
Des cortèges denses, des revendications toujours plus fortes
Comme lors des précédentes mobilisations, les cortèges ont été globalement calmes mardi en dépit de quelques heurts entre certains manifestants cagoulés et les forces de l’ordre à Paris, Nantes, ou encore à Lyon et Rennes où des canons à eau ont été utilisés. A Marseille, comme à son habitude, la manifestation s’est déroulée dans une atmosphère bon enfant.
A Paris, où le chiffrage du cortège a joué le grand écart entre le décompte de la CGT (700.000) et la préfecture de police (81.000), 43 personnes ont été interpellées.
Les taux de grévistes restaient un peu en deçà des meilleurs scores enregistrés depuis le début du mouvement, chez les cheminots (39% contre 46,3% le 19 janvier) comme chez les enseignants et à EDF (47,65% des salariés en grève selon la direction, contre 50% le 19 janvier).
Dans la fonction publique d’Etat dans son ensemble, près d’un agent sur quatre était en grève, contre 28% lors de la première journée d’action le 19 janvier.
Partout en France, les cortèges étaient très fournis mardi. A Marseille, la CGT a fait état de 245.000 manifestants (contre 205.000 le 31 janvier), 30.000 selon la préfecture (40.000 le 31 janvier).
Les Français restent très majoritairement opposés dans les sondages au report de l’âge légal de départ, même s’ils pensent qu’il sera mis en œuvre in fine. Dans l’éducation, le ministère a fait état de 32,71% d’enseignants grévistes. Le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire, a recensé 60% des enseignants de collèges et lycées grévistes. Le secrétaire général de la CGT Energie, Sébastien Ménesplier, a prévu une « semaine noire » dans le secteur, avec des baisses de production principalement dans le nucléaire.
Des coupures sauvages ici et là
Des coupures d’électricité « sauvages » ont touché dans la matinée jusqu’à 4.000 habitants à Boulogne-sur-Mer et ses environs, selon Enedis. Plus de 2.000 foyers ont également été privés d’électricité à Annonay (Ardèche), fief du ministre du Travail Olivier Dussopt, selon la même source.
Les expéditions de carburants étaient bloquées mardi matin à la sortie de « toutes les raffineries » de France (TotalEnergies, Esso-ExxonMobil et Petroineos), selon le syndicat CGT-Chimie. Et dans le gaz, trois des quatre terminaux méthaniers que compte la France ont été mis à l’arrêt pour « sept jours » lundi par les syndicats.
Si la réforme est adoptée, il est peu probable que la mobilisation se maintienne à ce niveau
anticipe une source gouvernementale, qui escompte un désengagement des syndicats réformistes.
La SNCF prévoit une offre de transport légèrement améliorée pour mercredi, avec un tiers des trains en circulation pour les TGV et TER, contre un cinquième mardi. Jeudi, le trafic sera à nouveau « perturbé », selon l’entreprise française, dont tous les syndicats ont lancé une grève reconductible.