Accaparé par la guerre en Ukraine, le président de la République sera moins présent pour la campagne électorale. Mais a-t-il été témoin de sa propre campagne, au moins ?
Il lui reste moins de vingt-quatre heures pour se déclarer officiellement candidat à un second mandat. Alors que les sbires d’en Marche ! se bousculent sur les plateaux télés afin de défendre leur candidat fantôme (1785 parrainages validés au Conseil Constit.), l’Emmanuel est attendu sur la guerre en Ukraine, qui écrase tout le reste, y compris la campagne présidentielle. « C’est une situation grave, il semble évident que cela reste sa priorité pendant les jours et semaines à venir. Les Françaises et les Français, indépendamment de leur opinion sur le président, le comprennent », veut croire Maud Bregeon, porte-parole de La République en marche. Doit-on la croire ?
Il y a pourtant bien une campagne à mener. Mais elle sera nécessairement différente. Sur la forme, d’abord. « On voit mal comment on pourrait tous aller faire la claque sur les estrades au moment où les Ukrainiens meurent écrasés sous les chars russes », pense Olivier Becht, député du Haut-Rhin, président du groupe Agir ensemble (aile droite de la majorité). Ainsi, le meeting qui devait être organisé samedi à Marseille a été annulé en début de semaine. Et puis la majorité devra faire avec un président-candidat sortant et présent en pointillé dans la campagne. Un défi pour un mouvement politique qu’on a souvent résumé à un seul gus, Macron lui-même.
« On va découvrir que ce n’est pas le cas ! assure le député alsacien. La majorité attend Emmanuel Macron, mais elle est prête. Ca fait plusieurs mois qu’on prépare cette campagne. Et nous sommes forts de nombreuses personnalités comme Edouard Philippe, François Bayrou, Franck Riester, Stanislas Guérini, les chefs des partis de la majorité, ou les membres du gouvernement. » Même si, bien sûr, personne n’avait vu venir ces circonstances, Maud Bregeon affirme que la majorité était de toute façon prête à faire avec un candidat qui est aussi président – et donc moins disponible. Le terrain compensera, assure-t-elle:
Quand il annoncera sa candidature, le président donnera les axes, dira là où il veut emmener le pays. Ensuite, on va porter ça sur le terrain avec les Français.
Match à domicile
Sur le fond, avec la guerre en Ukraine, les sujets de politique étrangère prennent forcément le dessus. Un avantage concurrentiel considérable pour un président-candidat sortant face à ses adversaires qui ne sont, eux, que candidats. Mais peut-être encore plus dans le cas présent. « Là, Emmanuel Macron joue à domicile, métaphore le politologue Bruno Cautrès. Il est sur ses thèmes de prédilection, à savoir le renforcement de l’Union européenne, l’Europe puissance, la défense européenne… Les Français lui reconnaissent une crédibilité sur ces sujets. » Mais attention, « il ne faudrait pas que le président envoi comme message aux Français qu’un second mandat serait totalement consacré à l’Europe. »
Olivier Becht affirme que la majorité a bien compris cet enjeu: « La campagne électorale doit avoir lieu. Ça serait dramatique de pas avoir de débat sur tous les sujets. » A discuter avec des membres de la majorité, on croit comprendre que la campagne macroniste sera axée sur la protection des Françaises et des Français. Ah ?! Un thème facilement déclinable à partir de la crise internationale, mais aussi de toutes les crises qui ont secoué le quinquennat Macron, tels que les « gilets jaunes », l’incendie de N-Dame de Paris ou le méchant covid-19. « Il faudra trouver un juste équilibre, estime Maud Bregeon. C’est vrai que, ces jours-ci, le focus est militaire, mais cette guerre entraîne des répercussions économiques dans le quotidien des Français. Quand on allonge le bouclier tarifaire sur l’énergie, c’est ce qu’on traite. »
Donné ultra-favori, seulement dans les sondages
Avant la montée de la crise ukrainienne, Macron semblait le favori de l’élection présidentielle. Depuis la rentrée, le président sortant est toujours loin devant et stable dans les sondages, au premier comme au second tour. Ce qui interroge parfois au regard de son bilan calamiteux. Un seul sondage a donné Valérie Pécresse gagnante en décembre, juste après sa désignation comme candidate LR. Surtout, Macron est fort dans les catégories de la population qui votent le plus (les cadres, les personnes âgées…). « Les sympathisants LREM se disent sur d’aller voter à 77 %, c’est plus que tout le monde » et les deux tiers se disaient certains de leur choix, expliquait à Quotidien Libre il y a un mois, Mathieu Gallard, directeur d’étude chez Ipsos.
Depuis jeudi dernier et le début de la guerre en Ukraine, plusieurs sondages ont montré une poussée des intentions de vote en faveur du président, qui atteint parfois les 28 % d’intentions de vote. C’est le phénomène du « ralliement autour du drapeau » en temps de crise, dont Macron a pu profiter grassement au début de la crise sanitaire, ou même François Hollande au moment des attentats. « De fait, depuis quelques jours et pour une période encore indéterminée, il n’y a que Macron qui intéresse. Ça ne facilitera pas la tâche de ses adversaires », observait le même Mathieu Gallard en début de semaine sur Twitter.
Les marcheurs et marcheuses aveuglés par l’arrogance de leur candidat veulent éviter l’excès de confiance. « Personne ne choisit les circonstances et elles peuvent encore se retourner », prévient, prudent, Olivier Becht. Pas question donc de se laisser bercer par des sondages favorables. Au contraire, assure Maud Bregeon : « Les militants sont fiers de ce que fait le président, de la manière dont il gère cette crise, notre volonté de convaincre ne faiblit pas. » Amen.