Les médicaments n’ont jamais autant manqué en France, alerte l’UFC-Que Choisir en publiant une étude sur le sujet lundi 9 novembre. Mises en lumière depuis le début de la pandémie de Covid-19, les pénuries et tensions d’approvisionnement de médicaments ont subi une forte croissance depuis une décennie, passant de 405 pénuries en 2016 à presque trois fois plus en 2019.
En 2020, 2.400 ruptures devraient être constatées, « six fois plus qu’il y a quatre ans », note l’association de consommateurs, citant l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). A titre, de comparaison, l’agence du médicament recensait 132 ruptures en 2010, soit presque 20 fois moins que cette année. Une situation d’autant plus alarmante que ces pénuries concernent des médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), « pour lesquels une interruption de traitement peut être susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients ». Il s’agit, par exemple, d’antibiotiques, d’anticancéreux, d’anti-parkinson ou d’anti-épileptiques . Ce sont, en général, des médicaments vieux de plus de 20 ans, fabriqués en flux tendu et, pour l’essentiel de la chaîne, à l’étranger, et qui ne coûtent pas cher.
Des médicaments indisponibles anciens et peu coûteux
UFC-Que Choisir déplore par ailleurs que les laboratoires pharmaceutiques apportent des solutions « rarement à la hauteur des enjeux sanitaires » . Ainsi, dans 30% des situations, les industriels renvoient vers un autre médicament, alors que « les substitutions peuvent entraîner des effets secondaires plus importants, ou nécessiter un temps d’adaptation à la nouvelle posologie, particulièrement pour les patients âgés », selon l’UFC. Dans 12% des cas, les producteurs orientent « vers des solutions de derniers recours », comme la diminution de la posologie. Enfin, dans près d’un cas sur cinq (18%), les laboratoires « ne proposent tout simplement aucune solution de substitution ». « Quand elle veut éviter les pénuries, quand elle veut une chaîne d’approvisionnement qui tient le choc en cas de variation de la demande », l’industrie pharmaceutique « sait faire », a assuré à France Inter Mathieu Escot, directeur des études à l’UFC-Que choisir. « Ça se voit pour tous les médicaments vendus cher, notamment les médicaments récents » , a-t-il dénoncé.
En effet, sur la liste des 140 médicaments signalés en rupture de stock et en tension d’approvisionnement par l’ANSM au 15 juillet 2020, les médicaments indisponibles sont prioritairement des produits anciens (75% sont commercialisés depuis plus de 20 ans) et peu coûteux (les trois quarts coûtant moins de 25 euros). L’association de consommateurs déplore également la réponse des pouvoirs publics, notant que seules deux sanctions ont été prononcées par l’ANSM pour rupture de stock contre des laboratoires en 2019.
UFC-Que Choisir en appelle à l’Etat
L’UFC-Que Choisir a expliqué vouloir profiter de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale au Sénat pour appeler les pouvoirs publics à hausser le ton. L’association de consommateurs plaide notamment pour plusieurs mesures, dont l’obligation pour les laboratoires de constituer « des stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers du système de santé pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur ». Elle réclame par ailleurs le développement d’une production publique de médicaments, « à même d’assurer la fabrication continue de ceux délaissés par les laboratoires ».