Le directeur de l’IEP de Paris était sous pression après avoir nié être au courant des agissements d’Olivier Duhamel, accusé d’inceste.
Le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, a présenté mardi 9 février au soir sa démission dans une lettre adressée à la communauté éducative et aux étudiants, dans la foulée de l’affaire Duhamel, qui a donné lieu au lancement d’une inspection pour établir les « responsabilités » et d’« éventuelles failles » au sein de l’école. Cette démission intervient alors que les étudiants de la prestigieuse école ont reproché à leur directeur d’avoir nié être au courant des agissements d’Olivier Duhamel, président démissionnaire de la Fondation nationale des Sciences politique qui chapeaute Sciences Po. Dans une lettre ouverte publiée sur le site de Libération, plus de 500 étudiants, professeurs et salariés de l’IEP avaient demandé son départ.
En effet, lorsque les accusations ont été révélées, le 4 janvier, Frédéric Mion s’était d’abord dit « sous le choc ». Quelques jours plus tard, pourtant, le journal Le Monde révélait que le directeur de Sciences Po était au courant des accusations d’inceste depuis deux ans déjà. Il a ensuite expliqué avoir contacté un proche d’Olivier Duhamel qui lui aurait certifié que les rumeurs étaient sans fondement. Le politologue Olivier Duhamel est accusé par sa belle-fille Camille Kouchner d’avoir violé son frère jumeau quand il était adolescent. Elle a fait ces révélations dans son livre La Familia grande paru au Seuil le 7 janvier dernier. À la suite de cette publication et de « l’ouverture d’une enquête préliminaire diligentée par le parquet de Paris », « Victor » Kouchner a décidé, fin janvier, de porter plainte.
« Des erreurs de jugement »
Le ministère de l’Enseignement supérieur avait annoncé mi-janvier le lancement d’une inspection au sein de l’école sur l’affaire. Si le rapport provisoire « confirme qu’aucun système de silence concerté ou de complaisance n’a existé au sein de notre établissement », il « pointe toutefois de ma part des erreurs de jugement dans le traitement des allégations dont j’avais eu communication en 2018, ainsi que des incohérences dans la manière dont je me suis exprimé sur le déroulement de cette affaire après qu’elle a éclaté », écrit Frédéric Mion dans son message. « Notre maison traverse, depuis la révélation des graves accusations portées contre Olivier Duhamel, une période très douloureuse », poursuit-il. « Depuis ce jour, toutes mes décisions ont été guidées par la volonté de préserver notre établissement, ses salariés, ses enseignants, ses chercheurs et sa communauté étudiante de cette affaire à laquelle ils n’avaient aucune part. »
Courant janvier, Frédéric Mion faisait comprendre à des journalistes qu’il prendrait la décision de démissionner seulement si le rapport d’enquête le mettait directement en cause. Selon son entourage, il aurait initialement songé à partir dès que les accusations d’inceste sont sorties dans la presse, mais il en aurait été dissuadé par plusieurs membres de son équipe de direction, qui selon des éléments recueillis par l’Agence France-Presse lui a alors soufflé : « impossible de laisser la maison sans directeur dans cette conjoncture-là ». De nouvelles révélations ont peut-être précipité sa décision. Mardi, des articles de presse ont fait état de nouvelles révélations dans cette affaire : le préfet d’Ile-de-France Marc Guillaume, qui avait démissionné mi-janvier des fonctions occupées dans « des établissements » où il avait « travaillé avec Olivier Duhamel », dont Sciences Po, aurait bien été alerté des accusations d’inceste à l’encontre d’Olivier Duhamel par Frédéric Mion, ce que celui-ci niait jusqu’alors.