Les chefs Albert Adria et Alain Ducasse se sont associés et propose durant 100 jours un étonnant voyage gastronomique en haut du musée du Quai Branly, face à la Tour Eiffel.

Il faut tout de même un grain de folie pour remplacer les traditionnels udons (nouilles japonaises) par de une peau de bacalao (cabillaud) marinée dans un bouillon au champignon de Paris topé par une langue d’oursin de Galice et un oeuf de caille mollet. Là où on serait tenté, à écouter le serveur dérouler la composition de l’assiette, de n’y voir qu’un exercice de style, mais le parisien est épaté par ce ramen revisité aussi surprenant qu’étonnamment bon et équilibré. Idem pour la saucisse d’huître au wakamé, posée sur un pain à la vapeur d’huître relevé par un condiment algue, persil et sofrito (tomate, poivron vert) ou encore ce chou-fleur à l’aspect étrange caché par une mole (sauce à base de piment et de chocolat) et ponctué par un petit foie de lote confit qui renouvelle le genre.
Adria, Ducasse, Meder, Préalpato…
Un restaurant éphémère de 100 jours (jusqu’à fin février), perché sur le toit du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, face à la Tour Eiffel. L’initiative est partie d’Alain Ducasse avec l’idée de ‘ré-évolutionner’ la haute gastronomie européenne en – dixit – « mêlant les sangs de la cuisine espagnole et française, en dépassant tout ce qui a pu être fait avant ». On n’en est pas loin et il faut accepter de se laisser aller à vivre un moment d’experience unique doté d’une cuisine qui ne l’est pas moins.
Les « fous » d’ADMO ? A pour Adria, D pour Ducasse, M pour Meder et O pour les Ombres, le restaurant du lieu. Un attelage singulier donc, avec le chef espagnol hypercréatif Albert Adria, longtemps aux côtés de son frère Feran à El Bulli et disponible depuis la fermeture de ses restaurants barcelonais pour cause de covid, le chef-entrepreneur Alain Ducasse qu’on ne présente plus et son ancien chef du Plaza Athénée Romain Meder, metteur en bouche de la cuisine de la Naturalité. Ajoutons la cheffe pâtissière Jessica Préalpato aux desserts, elle aussi partie du Plaza, et Vincent Chaperon, chef de cave de Dom Pérignon, marque coproductrice d’ADMO avec Ducasse Paris, pour accompagner subtilement cette étonnante cuisine.
Ici par « grain de folie » on parle d’un mélange – largement maîtrisé – d’intentions, de créativité et de techniques, évidentes dans les cuissons, les condiments, les jus, les sauces, les émulsions… Le tout distillé sans y toucher au fil d’assiettes savamment composées.
Pour calmer les esprits, après une complexité gustative certaine retour à la simplicité du produit, au terroir et au circuit court avec un simple morceau de fromage affiné de Salers (celui de Charlotte Salat), une pâte de coing de Provence et une tranche de pain du parisien Christophe Vasseur, « l’artiste-boulanger » de la Porte-Saint-Martin. Jessica Prealpato, elle, clôt les ébats papillaires avec un dessert tout en fraîcheur, à la juste sucrosité pour éviter de saturer le palais : kaki frais (c’est la saison) et calamansi (agrume) au vinaigre tous deux grillés au BBQ, un condiment au cynorrhodon (fruit de l’églantier) et une pâte de kaki frais. Juste au moment où la Tour Eiffel se met à scintiller de mille feux… Oui, nous sommes bien chez ADMO.
ADMO, restaurant Les Ombres. Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, 37 Quai Jacques Chirac, Paris (VIIe). Réservation en ligne. D’ordinaire, menu 5 mets, prix : 200 €. Menu 7 mets, prix : 380 €. Hors boissons. A l’occasion des Fêtes de fin d’année, un dîner 7 mets est proposé u Réveillon de la Saint-Sylvestre, prix 950 € / pers. Hors boissons.