Alors que le quartier Stalingrad, situé dans le 19e arrondissement de Paris, est devenu une véritable plaque tournante de la drogue, la mairie de Paris, elle, semble s’en laver les mains.
Deux soirs de suite, le quartier Stalingrad à Paris a été le théâtre de tirs de mortier d’artifice. Si ces images ont tourné en boucle sur les réseaux sociaux, elles font immédiatement penser à celles des violences urbaines contre les forces de police. Mais si ces tirs provenaient de riverains fatigués par les nuisances sonores, ces méfaits sont causés par la présence quotidienne de dizaines voire de centaines de consommateurs de crack, un dérivé de la cocaïne à moindre coût. Chaque soir, devant l’immeuble de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Île-de-France (CRAMIF), cris, bagarres et menaces ont lieu dans une atmosphère irrespirable aux relents d’urine et d’excréments. La situation est devenue invivable pour les habitants de ce quartier populaire et multiculturel.
Une situation compliquée et dangereuse que les forces de police tentent tant bien que mal de régler ou du moins de réduire. Mais c’est loin d’être suffisant et pour cause, en plus d’une forte activité nocturne, le désastre se poursuit en journée. Les consommateurs de crack se regroupent dans les Jardins d’Eole situés à proximité de l’avenue de Flandres. Là-bas les toxicomanes ce comptent par dizaines au milieu des aires de jeux pour enfants. Pour éviter les débordements d’individus agressifs, un service de sécurité a été déployé. Un tableau peu rassurant pour les familles. Pourtant certains habitants se montrent presque résignés et mettent davantage en avant la détresse humaine que l’insécurité qui règne dans les rues du 19e arrondissement :
Personnellement je ne me suis jamais senti touché par ces problèmes-là. Ce sont des gens que l’on balade d’un endroit à l’autre,
raconte un habitant du quartier.
Autrefois, il n’y avait rien dans Stalingrad, puisque ces gens avaient été chassés sur la colline du crack. Maintenant, on les a tous virés à la colline et ils ont retrouvé un autre endroit. Si on les chasse de Stalingrad, ils iront plus loin dans le 18e arrondissement, ce qui n’est pas une solution, vous pouvez l’imaginer. Il y a un grand manque de services sociaux qui puissent s’occuper de leurs problèmes sanitaires et sociaux.
A contrario, d’autres habitants sont arrivés au point de non-retour. Ainsi, après les bombes à eau et les bouteilles de verre, ils sont passés aux tirs de mortier d’artifice, car si le trafic de crack n’est pas nouveau dans le quartier, il a pris une ampleur inédite depuis 2018. Une situation encore amplifiée par le début de la crise sanitaire due au covid.
A partir de 19 heures, la rue appartient désormais aux consommateurs et aux dealers. Tel un aveu de faiblesse, le maire de l’arrondissement François Dagnaud (PS) confesse que le quartier est devenu un sanctuaire de la consommation de crack en France. Et s’il condamne les tirs de mortier d’artifices contre les toxicomanes, l’édile socialiste reconnait néanmoins, dans cet acte, un appel au secours des habitants : un appel qui ne trouve aucune réponse auprès des pouvoirs publics hormis un énième coup de communication de la Préfecture de Police de Paris.
Après un éclairage médiatique plus ou moins réussi, une centaine de policiers ont participé mardi dernier à une opération anti-crack. Ils ont parcouru le quartier pour demander aux toxicomanes de les suivre. Bilan : une centaine de contrôles, huit individus ont été emmenés au commissariat dont cinq en situation irrégulière sur le territoire et trois recherchés pour des délits. Une opération pour les caméras de télévision car quelques heures plus tard, dealers et consommateurs ont réinvesti l’avenue de Flandres. Au lendemain de cette opération pour la forme, nous sommes retournés sur place et rien n’a changé. Ainsi les pouvoirs publics ont beau dire qu’ils font tout leur possible, la situation, elle, s’envenime. Face à l’inaction sécuritaire et au manque de moyens médico-sociaux, le ras-le-bol des habitants pourraient se généraliser dans un avenir proche. Dans de nombreux quartiers de la capitale, la mairie de Paris se montre curieusement discrète, notamment sur la situation de Stalingrad. Il faut dire que le plan « crack » présenté en grande pompe par Anne Hidalgo en 2019 est tout simplement un fiasco, évalué à plus d’un million d’euros au frais de qui ? Des Parisiens.