Comme dans certaines grandes villes d’Europe, une bonne frange de Marseillais ainsi que des militants écologistes se battent contre la présence des bateaux de croisière dans le port.
La colère gronde contre les « monstres » du tourisme maritime. À Marseille, les navires de croisière sont de moins en moins tolérés dans le paysage méditerranéen français. Activistes et élus locaux se mobilisent pour faire interdire ces paquebots qu’ils estiment polluants et peu rentables pour l’économie locale, en plus d’être vraiment dangereux pour la santé.
Michèle, une riveraine du port de Marseille, se dit «très inquiète» et a fait installer un capteur de pollution dans sa maison juchant le port de la cité phocéenne. «Nous avions dans le quartier, des gens en pleine forme, pas fumeurs, sportifs, qui sont morts de cancer des voies respiratoires et ça se multiplie», a-t-elle assuré.
«Quand on a des aberrations comme celle-là sous nos yeux qui nous impactent aussi directement, on ne peut que se sentir investi d’une mission de se mobiliser», abonde Rémy Yves du collectif «Stop Croisières», créé en mai dans la seconde ville de France.
Les activités maritimes sont responsables de 39 % des émissions de dioxyde d’azote (NOx), un polluant de l’air, sur la métropole marseillaise, juste derrière le trafic routier (45 %), selon AtmoSud, l’observatoire de la qualité de l’air de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Marseille encourage la population à signer massivement une pétition
Un navire de croisière à quai pendant une heure émet autant que 30.000 véhicules roulant à 30 km/h, estime cet organisme.
«Je ne pouvais pas rester les bras ballants, dans une situation de crise avec une atmosphère polluée et des pics de canicule» tout l’été, a confié le maire de Marseille, Benoît Payan.
“Les bateaux de croisière sont les premiers pollueurs de notre ville et exposent les Marseillais à des risques graves. Continuons d’alerter sur cette urgence jusqu’à ce que la Méditerranée et ses habitants soient enfin protégés.”
L’édile de Marseille a donc lancé une pétition contre la pollution maritime en interpellant l’Etat et l’Organisation maritime internationale (OMI), signée à ce jour par environ 50.000 personnes sur une ville qui compte plus de 900.000 habitants. La mairie veut notamment faire pression pour accélérer les processus d’instauration en Méditerranée de la zone à faibles émissions d’oxyde de soufre, dévastateur sur la vie marine, dite «SECA», prévue pour 2025.La municipalité réclame la mise en place, de la part de l’OMI, d’une zone de réglementation plus ambitieuse en Méditerranée et l’interdiction des escales pour les navires les plus polluants durant les pics de pollution.
Face au succès de cette pétition, l’Etat a pris des engagements forts, salués par M. Payan, dès le 29 juillet 2022, avec notamment deux mesures :
- Le renforcement des contrôles : la Direction Interrégionale de la Mer Méditerranée (DIRMed) effectuera de septembre à novembre 2022 une expérimentation de mesure par un drone appartenant à l’EMSA de la teneur en soufre directement dans le panache de fumée des navires en rade de Marseille.
- Le soutien à la création d’une zone ECA en Méditerranée.
De son côté, Marseille a engagé 10 millions d’euros pour le Plan Escales Zéro fumée mis en place par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ce plan permettra l’électrification à quai des navires d’ici à 2025, mais aussi l’équipement en filtres à particules.
En marge du Forum des Mondes Méditerranéens organisé au Parc Chanot en février dernier, Benoît Payan a réuni 24 de ses homologues du pourtour méditerranéen afin de co-signer une tribune appelant à l’instauration de normes plus sévères en matière d’émissions polluantes en Méditerranée.
La municipalité, déterminée à construire une ville plus juste, plus verte et à agir pour la préservation de l’environnement, a récemment obtenu le label européen des “100 villes neutres en carbone en 2030”, et poursuit ses actions ambitieuses pour la végétalisation des parcs, jardins et écoles, la rénovation des équipements publics de la Ville et la promotion des mobilités douces et du tri des déchets.
La colère rampe sur le pourtour méditerranéen
Et la grogne monte et s’organise sur toute la côte méditerranéenne française. Après Barcelone, Venise, c’est également au tour de Nice de se plaindre de la gêne occasionnée par les bateaux de croisière. D’ailleurs, des riverains ont obtenu qu’un bateau trop bruyant et trop polluant quitte le port en juin.
En juillet, des militants indépendantistes corses ont retardé l’accostage à Ajaccio d’un autre paquebot de croisière du géant du tourisme TUI. Lors d’une manifestation quelques jours plus tard, les croisiéristes étaient accueillis en Corse par des pancartes hostiles: «Pour un peu d’argent, ils tuent terre et mer».
Cette saison, le taux de remplissage des navires de croisières est estimé à 65 % mais Alain Mistre, président de l’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF), espère bien retrouver le succès d’avant-Covid où jusqu’à près de deux millions de passagers avaient afflué sur Marseille.